Hercule qui fut, on le sait, un héros extraordinaire, et qui accomplit des travaux si merveilleux, qu'il a mérité d'être mis au rang des divinités. Hercule, qui s'est rendu utile à l'espèce humaine au cours de sa vie si bien remplie, a laissé des traces mémorables de son passage en Provence.
En effet, pendant l'admirable voyage qu'il accomplit à travers cent pays divers, il arriva un jour dans le nôtre. Le destin avait décidé qu'il y ferait de grandes et belles choses.
Il venait des Pyrénées, où il avait été amoureux de Pyrène, fille du roi des Bebryces; et, soit qu'il eût fait la route par terre le long de la côte, soit qu'il fut venu par voie de mer, toujours est-il qu'il laissa en Celto-Lygie des traces impérissables de ses nombreux exploits.
Il séjourna d'abord quelque temps sur le littoral, où il organisa un gouvernement sage, puissant et équitable, en appelant autour de lui les hommes, qui jusque-là avaient été isolés et éloignés les uns des autres. Puis il résolut de pénétrer dans le cœur du pays, afin de répandre ses bienfaits sur les populations de l'intérieur restées jusque-là sauvages et barbares.
Mais à peine eût-il commencé sa pérégrination, qu'il fut soumis à une des plus grandes épreuves qu'il ait eu à subir dans le cours de sa carrière brillante.
Tout d'abord, il rencontra, dans la vaste plaine aride et dénudée, qui est sur la rive gauche de l'embouchure du Rhône, deux géants redoutables qui avaient nom : l'un Albion, l'autre Ligur ou Bergion, et qui voulurent s'opposer à son passage.
Ces géants étaient frères; ils étaient fils de la Terre et de Neptune, de sorte qu'ils participaient d'une double nature qui les rendait plus redoutables à leurs ennemis.
Ils avaient milie bras chacun, et possédaient une telle résistance vitale, que les coups les plus redoublés ne pouvaient parvenir à les tuer.
Ils avaient, très probablement, les mêmes attributs que l'hydre de Lerne dont les têtes renaissaient plus nombreuses à mesure qu'on les coupait.
Hercule avait résolu de passer à travers le pays qu'ils occupaient à titre de maîtres; et, comme ils voulurent s'y opposer, il s'en suivit que la lutte devint inévitable. Avec des hommes comme Albion et Ligur, c'était une guerre sans merci; le vaincu était voué d'avance à la mort, sans espoir de clémence de la part du vainqueur.
Le combat commença donc avec une grande violence. Hercule lança toutes ses flèches, l'une après l'autre, faisant chaque fois d'horribles blessures à ses gigantesques ennemis.
Mais il arriva à la dernière flèche sans avoir pu les terrasser, parce que, grâce à cette double nature qu'ils tenaient de leur père maritime et de leur mère terrestre, leur vie était plus tenace qu'elle ne l'est ordinairement.
A bout de forces et d'armes offensives, Hercule allait se trouver désarmé; il aurait succombé sous les coups de ses adversaires sans l'intervention surnaturelle de Jupiter, qui obscurcit l'air par de noirs et sombres nuages.
Or, chose merveilleuse, ces nuages chassés par un vent violent (le Mistral), firent tomber sur la plaine une pluie de cailloux tellement abondante, que la terre en fut absolument couverte.
En même temps qu'en tombant, ces cailloux blessaient cruellement Albion et Ligur, Jupiter envoyait à Hercule une vigueur nouvelle, et faisait disparaître chez lui toute trace de la fatigue du combat.
Grâce à ce secours providentiel, en même temps que les forces lui revenaient, Hercule trouva de nouvelles armes dans les cailloux tombés du ciel. Les lançant alors, de son bras puissant, contre ses ennemis, il finit par les tuer.
Il fut ainsi vainqueur dans un terrible combat où il avait couru de très grands dangers d'abord, mais qui tourna à sa grande gloire ensuite.
Les fruits de cette victoire furent considérables; en effet, les hommes qui étaient restés jusque là éloignés et cachés, tremblant de peur sous les menaces des géants malfaisants qui désolaient le pays, commencèrent à respirer et à prendre confiance.
Ces hommes accoururent sans tarder, pleins de joie et de reconnaissance, se ranger sous ses lois.
Lui, en revanche, leur apprit à planter et semer les végétaux utiles à l'existence; il leur montra comment on båtit les maisons, comment on tisse les vêtements, comment on organise les cités pour se défendre contre les malfaiteurs et les brigands du grand chemin; de sorte qu'en peu d'années le pays fut transformé.
On construisit, d'après ses ordres, une grande ville qui fut florissante dès le début, et dans laquelle il laissa, pour commander, un de ses lieutenants appelé Némausus, qui lui donna son nom?