Il y a peu d'années encore, la superstition hantait les esprits dans la contrée. Tout un monde imaginaire et terrible s'agitait, dès la nuit venue, pour ces montagnards.
J'ai passé de longues soirées autrefois à écouter leurs récits effrayants ou merveilleux. Il fallait bien se garder de mettre en doute leur authenticité, car les conteurs avaient vu et entendu eux-mêmes les étranges choses dont ils me faisaient part.
Ils prétendaient que des individus, affublés d'une peau de bête, couraient des nuits entières à quatre pattes. Ils allaient avec la plus grande vitesse, étant obligés — car c'était une pénitence qui leur était imposée pour la rémission de leurs péchés — de passer, chaque nuit, sur le territoire de neuf communes différentes. C'étaient les Bérous, ou Loups-garous. On allait jusqu'à dire que les prêtres annonçaient en chaire leur passage en recommandant à leurs ouailles de bien se garder de leur faire du mal.
Ces coureurs nocturnes. auxquels la toison dont ils se revêtaient donnait l'apparence de bêtes sauvages, dévoraient tous les chiens qui se trouvaient sur leur passage. Jamais, dit-on. ils ne ressentaient de fatigue, et leurs mâchoires acquéraient, à ces heures, une telle vigueur, qu'ils broyaient entre leurs dents les os de leurs victimes. Combien m'ont dit avoir entendu de leurs oreilles les sinistres craquements des os broyés par le Loup-garou !
Lorsque les chiens se prenaient à hurler lamentablement dans les ténèbres, c'était signe que l'étrange bête passait aux environs. Les paysans effrayés se blottissaient alors tout tremblants sous les couvertures.
D'autres, lorsque minuit tintait au clocher, avaient vu déboucher dans un chemin creux un homme de haute taille portant une croix. II précédait quatre porteurs courbés sous le poids d'un cercueil.