La légende de la fée de la fontaine du Chiasso del Buco [Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie]

Publié le 25 octobre 2025 Thématiques: Agression sexuelle , Avarice , Bonne fée , Déplacement , Eau , Fée , Fontaine , Générosité , Jeune fille , Noblesse , Soif ,

La jeune femme à la fontaine
La jeune femme à la fontaine. Source OpenAI
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Source: Leland, Charles Godfrey / Legends of Florence: Collected from the People, Volume 2 (1896) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Fontaine du Chiasso del Buco / Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie

« Au Chiasso del Buco — ainsi nommé de la famille Del Buco qui y demeurait — se trouve une fontaine, près de laquelle s’élève une pierre ; et voici l’étrange histoire de leur venue en ce lieu.

« Jadis, en été, Florence connut une terrible disette d’eau, au temps où la ville était assiégée. Non seulement l’Arno était à sec, mais tous les puits ; il ne plut pas durant des semaines ; les pauvres souffrirent affreusement, et beaucoup moururent.

« Or, il y avait, dans la cour des Médicis, une fontaine qui eût suffi à abreuver toute Florence ; mais le Grand-Duc ne donnait pas une goutte, vendant toute l’eau à cinq soldi le seau (a cinque soldi la secchia).

« Un jour, la belle signorina Angela del Buco se présenta devant le Duc pour le supplier d’user de pitié et de miséricorde envers le peuple.

« — Je vous prie, Altesse, dit la signorina, d’être plus humain envers les pauvres et de leur donner de l’eau sans prix : beaucoup n’ont pas la moindre monnaie.

« Le duc Cosme répondit en riant : — À la bonne heure ! Nul ne peut plus dire, comme le proverbe, « Di questa acqua non voglio bere » — « De cette eau-là je ne boirai jamais » — car chacun se montre assez avide d’en avoir ! Non, certes : qui boit paie — que ce soit pour l’eau ou pour le vin. Mais il est un prix que vous pouvez aisément acquitter : donnez-vous à moi, et j’approvisionnerai le peuple en eau.

« La jeune fille empourpra de honte et de colère à ces paroles, et s’en alla ; mais, parvenue à la fontaine, elle fondit en larmes et dit :
« — Quel dommage que tu sois ici plutôt qu’ailleurs !

« Alors, une belle fée — fata — sortit de l’eau et dit :
« — Et pourquoi donc ?
« — Parce que le Grand-Duc n’a point de compassion pour les pauvres, qu’il vend l’eau à des gens qui meurent de soif, et qu’il se soucie peu des nourrissons et des petits enfants qui périssent dans toute Florence. Il m’a fait une proposition ignoble — j’aimerais mieux mourir mille fois que de l’accepter ; et pourtant, pour le peuple, il vaudrait mieux que je le fasse, puis que je meure. Mais tout cela pourrait être épargné si cette fontaine se trouvait ailleurs.
« — Où voudrais-tu la placer ? dit la fée.
« — Dans notre Chiasso del Buco, répondit la jeune fille ; là, j’en donnerais l’eau à tous, sans argent ni rançon.
« — Sia fatta ! — Qu’il en soit ainsi, dit la fée.

« Au matin, lorsque le Grand-Duc s’éveilla, ses gens lui dirent que la source s’était tarie dans la fontaine de sa cour ; il jura et tempêta de belle sorte ; mais, comme dit le proverbe, « ce qui s’en est allé dans le torrent ne revient pas sur le vent ». Quant à la signorina, regardant par la fenêtre, elle vit une grande foule heureuse boire à une fontaine de pierre mystérieusement surgie dans la nuit ; tous savaient déjà que c’était grâce aux prières et à la bonté de la demoiselle ; ils la bénissaient comme une sainte.

« Alors la signorina Angela fit dresser près de la fontaine une colonne, que l’on voit encore aujourd’hui : c’est le Sasso della Fata, « la pierre de la Fée », dans laquelle l’esprit demeure toujours.

« Qui veut avoir bonne fortune doit toucher cette pierre ou colonne, y verser un peu de l’eau de la fontaine, et dire :
Bellissima donna
Che stai nella Colonna,
Ti prego per favore
Fortuna e onore,
Fortuna ed amore,
A ti tutto l'onore !

« Ensuite, on prendra de l’eau dans une fiole, que l’on gardera en grand honneur et l’on en goûtera quand besoin sera, en formulant une prière quelconque ; car, dans toute l’Italie, il n’est point de fontaine aussi merveilleuse et efficace que celle du Chiasso del Buco. Qui en boit avec foi aura bonne chance durant son séjour à Florence ; qui la boit sans y croire n’en tirera nul effet. Une fiole de cette eau portée en voyage prémunira des accidents, ou rendra la route heureuse et commode.

« On dit encore que si l’on prend une coupe de cette eau, que l’on forme un souhait, puis que l’on dépose avec soin une épingle ou une aiguille à sa surface, si elle flotte ne fût-ce qu’un instant avant de couler, le vœu s’accomplira, pourvu qu’on répète avec sincérité l’invocation ci-dessus. »


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