Les légendes des fées du Creux d'Enfer [Ollon (Panex),(Canton de Vaud / Suisse)]

Publié le 19 septembre 2023 Thématiques: Bonne fée , Echange , Echange d'enfant , Enfant , Fée , Or , Transformation , Transformation en or ,

Creux d'Enfer
Creux d'Enfer. Source J. Dutruit via speleo-lausanne.ch
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Source: Cérésole, Alfred / Légendes des Alpes vaudoises (1885) (2 minutes)
Lieu: Creux d'Enfer / Ollon (Panex) / Canton de Vaud / Suisse
Motif: F211.3: Les fées vivent sous la terre F321.1.4.7: La mère mortelle ne prête pas attention à l'échangé ; l'enfant mortel est renvoyé. F342.1: L'or des fées. Les fées donnent des charbons (bois, terre) qui se transforment en or.

Près du pittoresque village de Panex, au-dessus d'Aigle, se trouve un gouffre ou entonnoir connu sous le nom de Creux d'Enfer. Une prairie en pente assez raide permet, du côté du levant, d'y descendre pour arriver jusque sous une immense voûte formée par un rocher en marbre noir, taillé à pic. C'est une grotte aux fées, dans laquelle on peut entrer par une large ouverture.

De là, ces filles de l'air se répandaient dans les champs d'alentour pour protéger les récoltes et pour indiquer entre autres aux montagnards les jours les plus utiles pour faire telle ou telle semaille. On les entendait crier d'échos en échos, du haut des monts ou dans les bois :
« Bon po pllanta lé favé! bon po vouagny!» (Bon temps pour planter les fèves! bon pour semer!)

Les cultivateurs qui écoutaient ces conseils s'en trouvaient bien, dit-on. L'été venu, les plantes de fèves étaient chargées de gousses et les tzercots étaient, à l'intérieur, bourrés de grains!

Un jour, il arriva que, non loin du Creux d'Enfer et de la grotte aux fées, une femme de Panex sarclait tranquillement son champ des Crettes. Elle avait avec elle, couché dans un berceau recouvert, son petit enfant d'une admirable beauté.

Quelle ne fut pas la stupéfaction de la mère lorsque, son travail terminé, en s'approchant de la couchette, au lieu d'y retrouver son chérubin, elle vit, à sa place, un vrai fayon, un enfant tout noir qu'une main invisible venait d'y déposer.

Tout angoissée, elle rentra promptement au village, en emportant dans ses bras le hideux petit monstre. Sans perdre une minute, elle courut consulter une des femmes les plus âgées de l'endroit. Celle-ci lui dit que ce ne pouvait être qu'une des fées de la grotte qui, sournoisement et sans bruit, avait sans doute fait échange de nourrisson avec elle. Elle lui donna le conseil de retourner tranquillement à son champ, le lendemain, à la même heure, et sans donner le sein à cet enfant.

Celui-ci ne manquera pas, dit-elle, de pleurer; alors la fée, cédant à l'amour maternel, accourra et fera à nouveau échange d'enfants...

Ainsi, en effet, se passèrent les choses. La fée, cédant à la voix de l'humaine tendresse, accourut aux cris de son fayon qu'elle prit dans ses bras et remporta dans sa grotte.

D'autrefois, en sortant de leur caverne, il arrivait aussi que les fées du Creux d'Enfer donnaient aux filles qui les visitaient des feuilles ou des branchages. Un jour, Marianne M. avait eu son tablier rempli de ces feuilles mystérieuses. Les estimant inutiles, elle se mit à les jeter. Aussitôt la voix des fées se fit entendre:
-«Marianne! Marianne! Mé t'en perdrai, main t'en arai. » (Marianne! plus tu en perdras, moins tu en auras).

Très mal lui en prit en effet, car une de ces feuilles étant restée dans un des plis de son tablier, elle la trouva changée en un louis d'or.

On comprend les regrets de la pauvre Marianne. Se mordant les doigts d'avoir agi si légèrement et d'avoir manqué de politesse à l'égard des généreuses fées du Creux d'Enfer, elle pleura longtemps son étourderie.


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