Au-dessus de Clarens, près de Brent, en Thomé, il existe toujours un Four aux fées ou aux fantômes. Là, dans un lieu sauvage, où, en hiver comme au premier printemps, de grands glaçons blancs surprennent le regard, à l'entrée de petites grottes moussues que baignent de charmants bassins à l'eau fraîche et limpide, les passants attardés dans le sentier solitaire de la forêt assuraient autrefois distinguer souvent des formes blanches et féminines. « N'allin pas per Thomé, - disaient les gens de Clarens ou des Avants, - car no rencontréron les faïes et no corront après! » (Ne passons pas par Thomé, car nous pourrons rencontrer les fées et elles nous courront après).
Deux habitants de Brent, étant un jour montés pour couper du bois dans ces parages, avaient pris avec eux leur nourriture, se composant d'une barille de vin, de pain et de fromage, placés dans un bissac. Lorsqu'ils voulurent faire honneur à leurs provisions, tout avait disparu et, à leur grande émotion, le précieux sac se trouva bourré de feuilles de fayard. Après qu'on se fut consulté un instant, on jeta les feuilles au vent et on jugea prudent de reprendre avec promptitude le chemin de la maison. Arrivés à domicile, quelle ne fut pas la surprise de nos travailleurs, en constatant que les quelques feuilles restées au fond du bissac s'étaient changées en beaux écus neufs, valant quarante batz, ancienne monnaie.