La dernière pierre de l'admirable flèche de la cathédrale fut scellée le jour de la Saint-Jean de l'année 1439. Une statue de la Vierge couronna l'édifice.
Pendant des siècles, la grande œuvre avait été poursuivie sans relâche. L'une après l'autre les générations avaient fourni le travail et les subsides. Chacun croyait racheter ses péchés et gagner le salut éternel en contribuant à l'érection du monument consacré à la gloire du Dieu des chrétiens Toute une série d'architectes en avaient tracé, modifié, exécuté les plans. Une foule de sculpteurs, de verriers, de peintres avaient contribué à ornementer ses niches, ses ogives et ses voûtes. Ils sont morts sans avoir vu l'achèvement de leur œuvre, et au fond des caveaux, dans leurs cercueils de pierre, ils dorment du sommeil éternel.
Cependant, chaque année, il est une heure pendant laquelle ils reprennent vie pour voir et admirer le monument.
Quand, le jour de la Saint-Jean, sonne l'heure de minuit, une rumeur étrange emplit l'édifice antique. Les tombeaux s'ouvrent. Les trépassés se lèvent et s'agitent. Ils s'assemblent sous les voûtes sombres de la nef. Voici les chefs des vieilles maîtrises, avec les attributs de leur métier et recouverts des vêtements de leur temps. Le cortège se forme et les fantômes parcourent les couloirs et les chapelles, montent les escaliers en spirale, escaladent les tourelles taillées à jour, et chacun reconnaît les lieux où il a laissé l'empreinte de ses efforts et de son génie.
Parmi toutes ces formes fantastiques, brille d'un éclat particulier une figure éthérée. C'est une femme vêtue d'une tunique blanche, qui tient un ciseau, et en elle, les spectres reconnaissent Sabine. La fille d'Erwin plane au-dessus de la multitude des revenants, doucement éclairée par les rayons de la lune.
L'antique cathédrale est remplie d'une mêlée indescriptible aux flottements ondoyants. Ces êtres vaporeux affectent les allures de la vie tout en ayant les apparences de la mort...
Mais l'heure sonne à la tour, et aussitôt tout disparaît. Les fantômes se sont évanouis et le silence règne dans le temple immense!