Au pied du mont Sainte-Odile, près de l'église de Niedermunster, voici la place où s'arrêta un « chameau porteur de croix ».
Hugues, comte de Bourgogne, avait appris que Charlemagne, revenu de Constantinople, lui envoyait un fragment de la vraie Croix. Il méditait sur le choix du sanctuaire auquel il octroierait ce vénérable dépôt, lorsqu'il vit se balancer près de sa fenêtre une tête de forme bizarre. S'étant approché, il connut que devant sa porte se tenait un chameau. L'empereur avait fait porter la plus précieuse des reliques par le plus étrange des animaux, lequel était venu avec elle de Constantinople.
La lumière éclaira l'esprit du comte de Bourgogne. Il fit fabriquer une grande croix de chêne, où il enchâssa le fragment sacré, et il fit placer la croix sur le dos du chameau. Il manda ensuite cinq chevaliers et leur confia la mission de suivre l'animal jusqu'au lieu où de lui-même il s'arrêterait.
Les vignes de Bourgogne, les forêts des Vosges le virent cheminer de son pas élastique, allongé, onduleux et indolent, avec le rengorgement d'un haut fonctionnaire soucieux de sa charge. En Alsace, il se dirigea vers Rosheim, sembla un moment résolu à se coucher devant l'église, mais, tournant vers la montagne, alla droit au couvent de Niedermunster et s'y arrêta.
On devine la joie de la supérieure et des religieuses, à la vue de la relique enchâssée dans la très grande croix de chêne. Après l'incendie qui détruisit Niedermunster, en 1542, la relique fut transportée à Hohenburg. Un incendie ayant dévasté Hohenburg en 1546, elle fut placée au trésor épiscopal de Saverne, puis, en 1589, confiée à la garde des jésuites. Elle resta exposée dans leur église de Molsheim jusqu'à la suppression de leur ordre, à la fin du dix-huitième siècle. La trace en est perdue, à partir de la Révolution.