Il était une fois un noble étranger qui voyageait de par le monde pour son plaisir et son instruction. Dans toutes ses pérégrinations il était accompagné par un grand chien qui ne le quittait pas plus que son ombre.
Arrivé à Strasbourg, le voyageur ne manqua pas de faire l'ascension de la cathédrale, toujours suivi par son chien fidèle.
Du haut de la plate-forme on jouit d'une vue admirable. Tout autour s'étend la ville avec ses places et ses rues et ses hautes toitures aux cheminées couplées où perchent les cigognes; puis les remparts et les vieilles tours; plus loin, les flots argentés du Rhin, et tout à l'horizon, les cimes curieusement découpées des Vosges et de la ForêtNoire.
La plate-forme est entourée d'une balustrade à hauteur d'appui, et le gardien du monument eut soin d'avertir l'étranger qu'un prédicateur de la cathédrale s'était amusé quelquefois à y monter et à s'y tenir debout au grand ébahissement des curieux qui, d'en bas, assistaient à cet acte de témérité.
L'étranger n'hésita. pas à déclarer que ce n'était là qu'un jeu d'enfant. Il paria de faire trois fois le tour de la plate-forme, debout sur la balustrade, sans peur et sans vertige.
Aussitôt il saute sur le revêtement de pierre et debout il contemple l'immense vallée du Rhin. Puis il commence la tournée périlleuse, suivi pas à pas par son chien.
Il affronte l'abime du regard; il se tient droit; il marche lentement, et deux fois il fait le tour de la plate-forme. Les assistants le supplient de renoncer à son entreprise téméraire, mais il n'écoute rien, et pour la troisième fois, il s'avance sur l'étroite balustrade, toujours suivi par le chien. Encore quelques pas... il va arriver au point de départ et le pari sera gagné.
Mais tout à coup il est saisi par le vertige... il fléchit... il tombe dans le gouffre. Et aussitôt le chien s'élance et son corps vient s'écraser sur les dalles du portail à côté de son maître. Fidèle pendant la vie, il reste fidèle jusque dans la mort!