La légende de Sainte Odile [Ottrott (Bas-Rhin), Baume-les-Dames (Doubs)]

Publié le 23 janvier 2023 Thématiques: Abbaye | Monastère , Amour non partagé , Aveugle , Baptème , Fondation d'abbaye , Fontaine , Guérison , Guerre , Infanticide , Légende chrétienne , Mariage , Miracle , Montagne , Mort , Noblesse , Origine , Origine d'un culte , Origine d'un lieu de culte , Pierre qui s'ouvre , Pierre | Roche , Sainte Odile , Saint | Sainte ,

Vue sur le couvent du Mont Sainte Odile
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Source: Kiefer F.J. / Légendes et traditions du Rhin de Bâle à Rotterdam (1868) (3 minutes)
Lieu: La source du Mont Sainte-Odile / Ottrott / Bas-Rhin / France
Lieu: Couvent du Mont Sainte-Odile / Ottrott / Bas-Rhin / France

Attich, duc d'Alsace avait une épouse d'une beauté et d'une amabilité extrêmes; rien ne manquait à son bonheur si ce n'est la douceur des joies paternelles. Il désirait ardemment un descendant, et ne cessait de demander au Ciel cette bénédiction conjugale. Ses vœux cependant semblaient ne devoir jamais s'accomplir. Un jour, après avoir prié avec plus de ferveur qu'à l'ordinaire, il promit de vouer au service du Seigneur l'enfant que le Ciel lui accorderait. Sa prière fut enfin exaucée. La duchesse sentit qu'elle allait devenir mère et accoucha enfin d'une gentille fillette qui, au baptême, eut le nom d'Odilia. La joie que les parents concurent à la naissance de cette enfant ne pouvait être complète; on eût dit que le Ciel se réservait un gage pour l'accomplissement du vœu qui lui avait été adressé; la petite fille était aveugle.

Cependant Odilia grandissait et développait chaque jour plus de charmes. Toutefois sa beauté était éclipsée par les avantages du cœur et par des sentiments de profonde piété. Ses dernières qualités augmentant tous les jours, elle devint la joie de toutes les bonnes âmes. Comme la vue lui manquait elle ne pouvait avoir que des idées imparfaites de la nature et du monde extérieur. Plus on fit à Odilia de descriptions ravissantes de la magnifique création de Dieu, plus elle fut affligée de sa cécité. Mais chaque fois qu'elle se désolait ainsi, elle avait recours à la prière, demandant, avec une confiance enfantine, au Tout-puissant de lui accorder le bonheur de pouvoir contempler ce bel univers. Ce que personne n'avait espéré, arriva: Le ciel fit un miracle, Odilia recouvra la vue. Les parents furent au comble de la joie. Ils rendirent des actions de grâce éclatantes de ce bonheur inattendu à la souveraine bonté et puissance divine.

Hélas, l'homme n'est que trop enclin à se dérober aux engagements qu'il a contractés, et à violer une promesse qu'il a donnée, lorsque la condition de son vœu se trouve accomplie. Depuis qu'Odilia jouissait de la lumière du jour, et que l'éclat de ses yeux venait augmenter les charmes de la belle vierge, il y eut plus d'un jeune seigneur qui aspira à la posséder. Les offres les plus honorables furent faites à la fille unique du prince opulent, et le duc regretta, plus d'une fois, d'avoir voué son enfant au service du Seigneur. Pendant assez long-temps, Attich eut soin de laisser ignorer ce changement survenu dans sa manière de voir; mais lorsque le comte Adelhart, excellent chevalier auquel il devait beaucoup, vint, en échange de ses services, lui demander la main d'Odilia, le duc ne crut pas devoir observer davantage son vœu, et il accorda au comte la faveur que celui-ci espérait.

La pieuse vierge apprit avec effroi qu'elle devait se marier. Elle avait espéré, conformément à ses goûts et à sa première destination, pouvoir être reçue bientôt dans un convent, et elle s'opposait d'autant plus fortement aux desseins de son père qu'elle les croyait plus contraires à ceux de Dieu. Aussi osat-elle représenter au duc ses torts et lui faire connaître un refus formel. Mais lorsqu'elle vit qu'on allait procéder aux moyens de violence, elle s'échappa du château et s'enfuit dans la forêt voisine, espérant y demeurer cachée. Bientôt cependant on sut la direction qu'elle avait prise, et Attich se mit en route avec tous ses domestiques et ses valets de chasse pour s'emparer d'elle. De loin elle entendit ses persécuteurs. Pareille à une biche lancée, elle se jette dans le taillis le plus épais, mais enfin ses pas sont arrêtés par un rocher large et escarpé. Déjà son père avec ses valets est près d'elle; la vierge se jetant à genoux, implore le secours du Ciel, et tout-à-coup le roc s'ouvre, reçoit la fuyarde et se referme sur elle,

Tous les spectateurs de cette scène furent pétrifiés d'étonnement et d'admiration ; le duc ne fut pas moins surpris que ses gens, et sa conscience se réveilla aussitôt. Il reconnut ses torts. Pendant qu'il admirait encore le rocher qui recélait Odilia, la voix virginale sortit des pierres: „Mon père,“ s'écria-t-elle, „si tu veux encore me revoir, remplis exactement ta promesse; si tu persistes dans l'intention de me marier, je te suis à jamais enlevée.“

Attich reconnaissant alors que sa fille était irrévocablement destinée au ciel, jura qu'il se conformerait à l'avenir à la décision céleste. Aussitôt le rocher s'ouvrit de nouveau et Odilia en sortit.

En mémoire de cet évènement miraculeux et en expiation de son crime, le duc fit élever, à l'endroit où la pieuse jeune fille avait été enlevée à ses persécuteurs, un couvent dont Odilia devint la première nonne, Plus tard elle en devint l'abbesse.

Après sa mort, elle a été mise au nombre des saintes par le saint pontife.

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Source: Baur Prosper / Légendes et Souvenirs de l'Alsace (1881) (5 minutes)
Lieu: La source du Mont Sainte-Odile / Ottrott / Bas-Rhin / France
Lieu: Couvent du Mont Sainte-Odile / Ottrott / Bas-Rhin / France

S'il est un nom vraiment populaire, c'est bien certainement celui de sainte Odile. Son tombeau, situé au haut de la montagne du Hauhenbürg, dans le monastère autrefois fondé par elle, est la Mecque vers laquelle tendent les espérances des vrais croyants du pays. Tout habitant de la province a fait ce pèlerinage au moins une fois dans sa vie, soit pour un motif de foi et de piété, soit en guise de simple promenade pittoresque. Chacun conserve une profonde vénération pour cette fille de prince, qui s'est vouée au culte des autels et qui a, par son abnégation, sa charité et sa bonté, adouci les moeurs barbares du huitième siècle. La montagne sur laquelle la jeune abbesse a fondé son monastère est la plus belle de toute la chaîne des Vosges. De ces hauteurs on embrasse d'un coup d'œil le vaste bassin de l'Alsace, le Palatinat, le Brisgau et la Forêt-Noire. Les vallées verdoyantes, les rivières sinueuses, les châteaux crénelés, les forêts sombres, les nombreux villages aux clochers gothiques, et enfin, tout au fond, le Rhin scintillant, semblable à un long serpent, forment les points saillants de ce tableau enchanteur. On comprend qu'en face d’un spectacle aussi sublime l'âme se sente portée, malgré elle, vers les régions de l'infini.

L'histoire des premières années d'Odile est environnée de ténèbres. Elle était fille d'Atticus duc d'Alsace, et de Beresvinde, qui, dit-on, était sœur de Saint-Léger, évêque d'Autun, auquel Ebroin, maire du palais en 675, fit crever les yeux. Le duc Atticus, qui attendait avec anxiété la naissance d'un fils, fut tellement irrité quand il sut que Beresvinde avait mis au monde une fille aveugle, qu'il voua cette dernière à la mort; mais la mère parvint à soustraire son enfant à la fureur du duc et la confia aux soins de l'abbesse de Beaume-les-Dames. « Dieu, dit la légende, manifesta dès ce moment les grands desseins qu'il avait sur Odile; en recevant le baptême, elle recouvra la vue. » C'était le temps des miracles.

Après de longues épreuves, désirant vivement revoir ses parents et particulièrement sa mère, pour laquelle elle avait conservé une grande tendresse, Odile parvient à informer de ses sentiments son jeune frère Hugues, qui entreprit de réconcilier le mauvais père avec sa fille. Sans perdre de temps, il envoie une escorte de ses vassaux au monastère de Baume-les-Dames pour chercher sa soeur et l'amener au Hauhenbürg, où le duc réside en ce moment.

Le terrible Franc voit de loin une troupe nombreuse chevaucher sur le chemin qui conduit à son manoir, et, transporté de fureur en apprenant que son fils ose, au mépris de ses ordres, protéger la fille qu'il avait condamnée, il frappe de l'épieu dont il est armé pour la chasse le malheureux Hugues, qui tombe sans vie à ses pieds. Ce meurtre paraît apaiser la colère du farouche ripuaire, déjà chargé de plusieurs autres forfaits. Il consentit à garder sa fille avec lui, sans toutefois lui rendre son affection. Après l'avoir fait vivre parmi ses servantes pendant quelque temps, il voulut la marier contre sa volonté. Désolée de se voir ainsi violentée dans sa religion et comprenant quel danger elle courait en refusant d'obéir aux ordres d'un père violent et brutal, Odile, couverte de simples habits de bure, s'échappe la nuit du château ducal et traverse le Rhin. Mais déjà sa fuite est découverte; le duc Atticus monte lui-même à cheval et finit par l'atteindre aux environs de Fribourg. La jeune fille se voyant perdue, appela Dieu à son aide et au même instant un rocher s'entr'ouvre, reçoit la fugitive et se referme entre elle et ses ravisseurs.

Une chapelle et une source miraculeuse indiquent au pèlerin le lieu où cet événement s'est passé.

Atticus, dont le coeur s'est enfin ouvert au repentir, rappelle sa fille et tombe à ses pieds en la priant d'implorer pour lui, auprès du Seigneur, le pardon de ses crimes.

Le château du Hauhenbürg est changé en monastère; plus de cent jeunes filles appartenant aux plus anciennes familles gallo-romaines, accourues à la voix d'Atticus, viennent se consacrer à Dieu sous la bannière de cette sainte fille. La fondation prospera rapidement, et bientôt après Odile fit construire, dans la vallée de Nieder-Munster, un second couvent qu'elle gouverna comme le premier, selon les règles de Saint-Benoît. Charitable, autant que pieuse, elle fonda en même temps un hôpital où elle soignait elle-même les malades et les vieillards; et c'est au milieu de ces occupations qu'elle vécut cent ans entourée du respect de tous.

S'il fallait raconter toutes les actions miraculeuses que la dévotion des Alsaciens attribue à leur sainte, il faudrait refaire sa vie tout entière, qui n'est qu'une suite d'actes pieux et de cures merveilleuses. En descendant du Hauhenbürg, on rencontre une fontaine formée, dit-on, par les pleurs de la sainte, pleurs versés par elle en expiation des crimes commis par son père : On prétend que son eau a conservé, même de nos jours, la propriété de guérir les maladies d'yeux. La quantité d'ex-voto qui garnissent les parois de la source, atteste la grande foi que les pèlerins ont dans la vertu de cette eau. Odile fut enterrée dans la chapelle de Saint-Jean, où elle est encore aujourd'hui. Il est vrai que le monastère, tel que nous le voyons, ressemble peu à ce qu'il était du temps d'Odile. Plusieurs fois brûlé et pillé par des hordes d'envahisseurs, lors des guerres de conquête qui ont ensanglanté le sol de l'Alsace, il fut successivement reconstruit par différentes communautés religieuses. Actuellement, il est desservi par des nonnes qui ont joint à leurs pieux exercices, suivant la règle bien dégénérée de l'abbesse fondatrice, le commerce lucratif d'une hôtellerie. Aussi, le voyageur qui atteint le sommet de la montagne, après une excursion fatigante, quoique pleine de charmes, est-il tout étonné de trouver bon gîte pour la nuit, et nourriture substantielle pour le corps en même temps que profondes émotions pour l'âme.

En dehors du monastère, Odile avait fait bâtir plusieurs petites chapelles isolées qui existent encore ; je ne parlerai que de la chapelle des Anges qui, élevée sur un rocher à pic au bord d'un précipice de deux cents pieds de profondeur, est particulièrement fréquentée par les gens désireux de se marier. La chronique assure que toute personne qui parcourt sept fois de suite le sentier étroit et sans rampe qui contourne la chapelle, est assurée d'être mariée dans l'année. On peut dire avec raison que le sentier est battu, car les fervents des deux sexes ne font pas défaut.

Y-a-t-il quelque chose de plus touchant que la légende de sainte Odile ? Tout y respire la charité; les miracles même dont elle est parsemée, méritent de trouver grâce devant les sceptiques de notre siècle, car ils ont tous un un but sublime pour mobile. Aussi n'est-il pas étonnant que cet ange de charité, dont la vie fut un continuel dévouement aux pauvres, soit devenue la patronne des classes souffrantes et déshéritées. La mémoire du peuple part de son cœur. Ce pèlerinage sans cesse fréquenté par de nombreux croyants est la preuve consolante que dans notre siècle de fer, la charité peut encore faire naître la reconnaissance.

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Source: Thuriet Charles / Traditions populaires du Doubs (1891) (moins d'1 minute)
Lieu: Abbaye de Baume-les-Dames / Baume-les-Dames / Doubs / France

Vers l’an 662, une fille naquit d’Alaric, duc d’Alsace, et de Bérésiude. Son père voulait la tuer parce qu’elle était aveugle. Soustraite par sa mère aux accès de cette bizarre fureur, l’enfant fut envoyée au monastère de Baume, avant même d’avoir reçu le baptême. En ce temps-là, saint Erhard, évêque de Bavière, eut une vision pendant laquelle il lui fut enjoint de se rendre au couvent de Baume. Une voix lui aurait dit : « Là, tu trouveras une jeune servante du Seigneur. Tu la baptiseras, tu lui donneras le nom d’Odille, et, au moment du baptême, ses yeux, qui n’ont jamais été ouverts, verront la lumière. Erhard partit sans délai. En arrivant à Baume, il trouva la fille d’Alaric parfaitement instruite de tous les dogmes de la religion. Elle avait déjà treize ans, et les dames qui l’élevaient ignoraient comme elle l'étât de son âme.

Erhard commença la cérémonie du baptême. Selon la coutume du temps, il plongea la jeune aveugle dans les eaux sacrées ; il lui fit sur les yeux les onctions du saint chrême en disant : « Au nom de Jésus-Christ, soyez désormais éclairée des yeux du corps et des yeux de l'âme. » Il parlait encore, les paupières de la jeune fille s’entr’ouvrirent et ses yeux brillèrent du plus vif éclat. Elle reçut le nom d’Odille, qui signifie fille de lumière, ou : Dieu est ton soleil.


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