La légende de Sainte-Richarde [Andlau (Bas-Rhin)]

Publié le 12 octobre 2023 Thématiques: Abbaye | Monastère , Animal , Domestique | Serviteur , Duel , Empreinte , Empreinte dans la roche , Fondation d'abbaye , Histoire , Joute , Jugement de Dieu , Légende chrétienne , Légende historique , Mariage , Noblesse , Origine , Origine d'une trace dans la roche , Origine d'un lieu , Origine d'un lieu de culte , Ours , Pierre | Roche , Punition , Sainte Richarde , Saint | Sainte ,

Abbaye d’Andlau
Abbaye d’Andlau. Source © Ralph Hammann – Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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Source: Baur Prosper / Légendes et Souvenirs de l'Alsace (1881) (5 minutes)
Lieu: Abbaye d’Andlau / Andlau / Bas-Rhin / France

[…] Richarde était fille du comte de Nordgau, qui vivait en Alsace au neuvième siècle. Ses vastes domaines, qui couvraient tout le val d’Eléon, aujourd’hui vallée d’Andlau, en faisaient un seigneur riche et puissant. Aussi Richarde fut-elle recherchée de bonne heure en mariage par les plus nobles du pays. Il est vrai que, à sa haute origine, elle joignait des qualités supérieures qui la faisaient distinguer entre toutes ses compagnes : intelligence, jugement droit, brillante imagination, tout était réuni en elle; elle parlait et écrivait le latin avec une grande facilité; ajoutez à cela les qualités du cœur et la beauté de la femme, et vous aurez une véritable perfection.

Son intention était de se vouer au culte de Dieu, en se retirant au Hauhenbürg, dans l’abbaye fondée par [sainte] Odile; mais il se présenta tout à coup un prétendant que ni Richarde, ni ses parents, n’osèrent refuser : ce prétendant, c’était Charles-le-Gros, empereur d’Allemagne et d’Italie. Leur union fut célébrée l’an 862, et les deux époux furent sacrés à Rome par le pape Jean VIII.

Les commencements de ce mariage furent d’abord très heureux, grâce aux bons conseils de Richarde, dont la sagesse s’imposait au gouvernement de son trop faible époux: mais les dissensions intérieures ne tardèrent pas à émousser l’énergie de cette vaillante femme, et à lui rendre la couronne bien lourde à porter. Son père étant mort dans l’intervalle, Richarde, en fille reconnaissante, désireuse de lui élever un monument digne de sa mémoire, se retira au monastère de Hauhenbürg. Là, dans une profonde solitude, elle passait son temps à prier pour l’âme du défunt. Un jour, dit la légende, elle eut une vision ; elle entendit une voix lui dire : « Descends jusqu’au bas de la montagne, gagne le domaine que t’a légué ton père, et là, où tu rencontreras une ourse grattant la terre, là, tu construiras un monastère. » Richarde s’empressa de mettre cet ordre mystérieux à exécution. Arrivée au val d’Eléon elle rencontra effectivement une ourse, avec ses petits. On prétend que la jeune impératrice passa la nuit tout entière en prières sur la place indiquée.

De nos jours, on voit encore, dans la crypte de l’abbaye, une cavité que l’on croit être celle creusée par les animaux. Le lendemain, sans perdre de temps, Richarde communique son projet à Charles, qui lui donne son consentement; et aussitôt une armée d’ouvriers se met à l’oeuvre. Le monastère achevé, il reçut une dotation royale et fut destiné aux vierges nobles, qui, redoutant les dangers et les vanités du monde, cherchaient un asile sûr et tranquille. Il fut bien vite peuplé : les plus illustres familles d’Alsace tinrent à honneur d’y faire entrer leurs filles. Il fallait faire preuve de seize quartiers de noblesse sans mésalliance. L’impératrice elle-même se mit à la tête de son abbaye, elle en composa tous les statuts, tant pour le gouvernement temporel que spirituel. Je n’entrerai pas dans tous les détails de ces statuts; qu’il suffise au lecteur de savoir que la règle était loin d’être sévère. La question du bien-être matériel des jeunes chanoinesses était largement prévue. Chacune avait son appartement, sa chambrière : la musique, la danse, la poésie, les promenades en voiture entraient dans le programme, aussi bien que les oeuvres de piété et de bienfaisance. Aucuns vœux n’étaient prononcés; elles pouvaient rentrer dans leur famille quand bon leur semblait.

En un mot, le but de Richarde était de rendre, aux nobles jeunes filles qui venaient chercher un refuge dans son monastère, la vie aussi agréable que possible. Grâce à la richesse de la dotation, le chapitre n’avait rien à se refuser, tout en pratiquant largement les œuvres pies. Après avoir réglé toute son institution, Richarde partit pour Rome, pour la soumettre à l’approbation du pape. Pendant ce temps, les facultés intellectuelles de Charles-le-Gros, aussi bien que sa santé, déclinaient journellement. Préoccupé de l’idée de mourir sans héritiers légitimes, il avait adopté Louis III, fils d’Ermangarde et de Boson, roi de Provence. Les seigneurs allemands, exaspérés de la présence de ce prince étranger, profitèrent de l’absence de Richarde pour former un complot qui avait pour but de détrôner Charles-le-Gros. Pour cela il fallait éloigner le chancelier Luitward qui tenait les rênes du gouvernement, et en même temps perdre Richarde dans l’esprit du roi. Parmi les conjurés se trouvait un mont de Souabe, nommé le chevalier Rouge, qui, dévoré d’envie et de jalousie, cherchait à utiliser tous les moyens pour arriver au pouvoir. L’occasion se présenta au retour de Richarde. Luitward, en sa qualité l’évêque, portait suspendue à son cou une croix précieuse que Richarde lui avait apportée de Rome. Un jour, dit la chronique, Richarde, désireuse de vénérer cette sainte relique, la prit dans ses mains et la baisa avec respect. Il n’en fallait pas davantage; le chevalier rouge, qui vit cela, saisit avec empressement cette circonstance pour perdre à la fois l’évêque et l’impératrice. Ils furent accusés tous deux d’adultère. Charles, dont la faiblesse est connue, commença par chasser ignominieusement Luitward, dépouillé de tout, et convoqua ensuite une assemblée de grands, devant laquelle il fit comparaître Richarde. Il déclara solennellement qu’il l’avait toujours laissée vierge, et que, si elle était réellement innocente du crime dont elle était accusée, elle devait s’en référer au jugement de Dieu. Richarde accepta le défi et choisit l’épreuve du feu. Ici nous entrons dans le miracle, et le naïf chroniqueur qui relate cet événement est lui-même victime de sa bonne foi.

Le jour fixé, raconte-t-il, l’impératrice, après avoir jeté son gant à l’empereur, qui le ramassa, se retira un instant hors de l’assemblée pour revêtir une robe de soie blanche enduite de cire. Il faut plutôt croire que, pour en imposer à ces esprits ignorants et brutaux qui l’entouraient, elle était allé revêtir une robe d’amiante préparée à l’avance.

Ce n’est pas que je suspecte en quoi que ce soit l’innocence de Richarde, au contraire, mais je suis persuadé que, intelligente comme elle l’était, elle avait compris que le petit subterfuge qu’elle se permettait pouvait seul la sauver. Aussi, qu’arriva-t-il? On chercha vainement à mettre le feu à la robe. Dieu protégeait miraculeusement son innocence. Entièrement justifiée, elle annonça à l’empereur qu’elle quittait le monde pour toujours et qu’elle se retirait au monastère d’Andlau. Charles ne tarda pas à expier durement sa faiblesse et son injustice. Détrôné quelque temps après, il alla mourir misérablement à l’abbaye de Reichenau, où il avait été recueilli par charité par ce même Luitward, qu’il avait chassé autrefois. Richarde trouva, dans sa paisible abbaye, une douce quiétude, après la vie pleine de péripéties qu’elle avait eue. Visiter les pauvres, veiller les malades, consoler les malheureux, telles furent les occupations de cette impératrice infortunée, pendant qu’à l’intérieur elle gouvernait ses chères sœurs avec bonté, douceur et indulgence, plus sévère pour elle que pour les autres. Elle mourut à l’âge de 42 ans, entourée de son chapitre et regrettée de tous.

Le monastère subsista jusqu’en 1793, époque à laquelle la Terreur en dissémina toutes les habitantes, pendant que les biens étaient confisqués et les bâtiments pillés et brûlés. Sur les ruines qui restaient, on a construit, en 1850, un hôpital. S’il n’y a plus de princesse-abbesse, ni de chanoinesses aux seize quartiers de noblesse, il y a encore des sœurs de charité qui se dévouent pour les malades et les malheureux. Andlau est resté, néanmoins, un lieu de pèlerinage très fréquenté. Il est vrai que la beauté du site et la pureté du climat y sont pour quelque chose.

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Source: Wetterlé, Émile (abbé) / Notre Alsace, notre Lorraine (1919) (moins d'1 minute)
Contributeur: Fabien
Lieu: Abbaye d’Andlau / Andlau / Bas-Rhin / France

Voici Andlau et Sainte-Richarde. Femme de Charles III, petit-fils de Louis le Débonnaire, régent de France, puis empereur d'Allemagne en 881, Richarde fut accusée d'infidélité. Elle déclara :
«Je m'en remets au jugement de Dieu ».

Elle se revêtit donc d'une longue robe enduite de poix, traversa lentement un, large bûcher enflammé et en sortit intacte. L'épreuve ayant été jugée décisive, elle se sépara de son mari. Elle avait coutume de prier devant Sainte-Odile. Libre désormais de ses actions, elle conçut le dessein de fonder à son exemple un monastère de femmes. Quel lieu, choisir, pour qu'il prospérât?

« Choisis, lui dit une voix, le lieu où tu verras une ourse, entourée de ses petits, gratter la terre. » Dans la crypte du cloître d'Andlau, on montre une cavité creusée par les griffes de l'ourse. Un pèlerinage à cette crypte guérit les maladies des os. Pendant de longues années, le couvent d'Andlau entretint des ours. L'un d'eux ayant étouffé un enfant, on leur substitua l'ours de pierre que vous voyez. Jusqu'à la Révolution, tout montreur d'ours était hébergé à Andlau gratuitement et, quand il partait, recevait trois florins avec un pain de six livres.

Présentement, au 18 septembre fête de Sainte-Richarde, Andlau fait une distribution de pains bénits à tous les pauvres, qu'ils montrent ou non des ours.

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Source: Bérenger-Féraud Laurent-Jean-Baptiste / Les légendes de la Provence (1888) (4 minutes)
Lieu: Abbaye d’Andlau / Andlau / Bas-Rhin / France

En l'an 850, Charles le Gros, empereur d'Allemagne, qui fut déposé plus tard en 887, comme incapable, épousa Richarde de Notsgau, qui était la fille du puissant comte Erchemgard de Notsgau. Richarde était la plus belle fille de toute la contrée; elle était aussi instruite que douce, aussi vertueuse que charitable; en un mot, elle était l'ange du pays.

En revanche, Charles le Gros était un pauvre sire sous le rapport de l'intelligence, du cœur, de la bravoure et du caractère.

Au lieu de se mettre à la tête de ses hommes d'armes, pour défendre ses fiefs pillés et ravagés par les Normands, il cherchait, à force d'argent, à obtenir la paix de ces pirates, qui abusaient de sa faiblesse, pour se jouer de lui, à chaque instant.

Enfin, n'ayant pas d'enfants après plusieurs années de mariage, il adopta le fils d'une de ses sœurs, au lieu de choisir pour successeur, le descendant d'un des mâles de sa famille, ainsi que c'était l'habitude chez les Francs, et que la loi salique le prescrivait d'ailleurs.

Aussi, un grand mécontentement régnait chez tous les vassaux, des colères sourdes s'amassaient contre lui; on pouvait prévoir qu'un jour ou l'autre, une révolte éclaterait, ayant pour résultat de le déposer, et de l'envoyer finir ses jours dans un cloître, si même on ne le mettait pas à mort, comme punition de sa lâche indolence.

Richarde avec ses grandes qualités de cœur et d'esprit, ne pouvait que mépriser le mari qu'on lui avait donné; mais, comme elle était l'esclave du devoir, elle ne voulut pas se séparer de lui. Bien plus, elle s'occupa activement de lui conserver son pouvoir. Luitprand, évêque de Verceil, venait d'être envoyé auprès de Charles le Gros par le Pape; c'était un homme de savoir, d'énergie et de vertu; Richarde comprit quelle pouvait, avec les secours du saint évêque, faire sortir son mari victorieux des difficultés qui l'entouraient, et elle entreprit de gouverner le pays, en s'aidant de ses conseils.

Luitprand avait amené d'Italie un jeune garçon de seize ans, du nom de Vogt, qu'il donna à l'impératrice pour lui servir de page, et qui lui fut dévoué corps et âme.

Bientôt les affaires du pays marchèrent mieux, grâce à la direction ferme qui leur était imprimée par l'impératrice conseillée par l'évêque Luitprand; les habitants commencèrent à reprendre confiance.

Dans cet intervalle il arriva à Richarde un évènement extraordinaire. Une nuit, pendant qu'elle s'était endormie en priant sur le tombeau de sainte Odile, patronne de l'Alsace, elle rêva qu'elle promenait dans la vallée d'Andlau qui faisait partie des domaines de son père, où elle avait été élevée; et qu'elle se trouvait tout à coup en présence d'un ours gigantesque qui creusait un terrier pour y cacher ses petits. Elle se réveilla toute terrifiée, et fut très pensive, car ce rêve ressemblait à une vision, elle pensa qu'il contenait un avertissement donné par sainte Odile elle-même.

Au point du jour, elle appelle son page Vogt, lui dit de s'armer pour combattre les bêtes féroces, et lui ordonne d'aller dans l'endroit où pendant son rêve elle avait vu l'ours. Vogt obéit; il revint le lendemain rapportant la tête de l'ours, qu'il avait rencontré et tué dans le lieu même que Richarde lui avait indiqué.

En commémoration de ce fait extraordinaire, elle résolut d'élever un couvent de religieuses dans l'endroit où l'ours avait été tué.

Le gouvernement sage, ferme et équitable de Richarde, conseillée par Luitprand, avait rendu la prospérité au pays, mais avait aussi soulevé la haine d'un grand nombre de seigneurs dont les exactions avaient été réprimées, aussi complotait-on çà et là contre la vertueuse impératrice. Or, un jour un de ces seigneur profita, du moment où toute la cour était assemblée, pour entamer une discussion avec l'évêque Luitprand et comme ce saint évêque lui signifiait qu'il avait tort, ce seigneur s'écria à haute voix : « Evêque! tu t'ériges en maître ici, parce que l'empereur partage sa femme avec toi. Mais comme je ne partage pas la mienne avec toi, je ne souffrirai pas que tu juges ainsi mes actes. »

Cette ignoble plaisanterie causa naturellement un grand scandale; et les ennemis de l'impératrice en firent un tel bruit, que Charles le Gros se crût obligé de réunir tous ses seigneurs, en cour criminelle, pour juger la question de savoir si l'accusation portée contre Richarde était fondée ou non.

La cour décida, comme c'était l'usage alors, que la cause serait soumise au jugement de Dieu. A un jour déterminé ou s'assembla dans un champ clos; le seigneur qui avait accusé l'impératrice était armé de pied en cap, il renouvela ses accusations, et un hérault d'armes demanda, si quelque chevalier consentait à entrer en lice, pour combattre contre lui.

A la troisième sommation faite par le hérault, et au moment où tout le monde croyait que personne n'oserait venir défendre l'honneur de Richarde, un chevalier, bardé de fer visière baissée, se présenta. Le combat commença aussitôt et, après une lutte violente, le chevalier accusateur mordit la poussière.

L'Impératrice fut déclarée innocente; elle aurait voulu remercier le vaillant paladin, mais celui-ci avait disparu, et on ne sût jamais quel était son nom.

Cette légende a plusieurs variantes. L'une dit que le chevalier inconnu était le jeune Vogt qui avait tué l'ours. L'autre, ne parle pas du combat, et prétend que Richarde prouva que, depuis vingt-cinq ans, quelle était mariée non-seulement elle n'avait pas eu d'amoureux, mais même elle était restée pure de toute souillure comme une véritable sainte. Une troisième, enfin, dit qu'elle subit avec succès l'épreuve du feu et qu'elle marcha, sans se brûler, à pieds nus, sur sept socs de charrue rougis à blanc. Ou bien quelle traversa un brasier enflammé, portant, pour tout vêtement, une chemise enduite de cire, sans éprouver le moindre accident. Mais en somme les variantes nous importent peu, le fait important dans la légende est celui du chevalier inconnu, défendant l'honneur de l'innocente, sans faire connaître son nom.


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