Cette fontaine, dit Carle le Dhuy, dans son histoire des sires de Coucy, située à peu de distance de l'antique et primitive résidence de la famille de Coucy, donne toute l'année une eau claire et abondante et ne tarit jamais que quand une personne de la famille de Coucy doit mourir. Alors elle se dessèche entièrement, sans laisser après elle aucun indice qu'il y ait eu là une fontaine.
Une fois, un des sires de Coucy qui prirent part aux Croisades avait été blessé en Palestine et s'attendait à la mort. Il dépêcha un messager dans son pays pour s'informer si la fontaine était tarie. A l'arrivée du messager il n'y avait plus une goutte d'eau. Mais on lui recommanda expressément de ne pas faire savoir au sire de Coucy ce qu'il en était, et de lui dire plutôt que la fontaine coulait toujours abondamment, afin de ne pas lui inspirer de tristes pensées. Il s'était rétabli, dit-on, mais toutefois la fontaine ne s'était pas tarie en vain et sa vieille réputation n'eut pas d'échec à essuyer. Dans le même temps un neveu du sire qui montait un cheval fougueux tomba et mourut sur la place.
Une autre fois que le farouche Thomas de Marle, le cœur gonflé de haine et de vengeance s'avançait d'un air sombre vers le château de son pêre, il descendit de cheval pour se désaltérer à la fontaine, mais elle était tarie.
« Est-ce un songe? s'écria Thomas. Tout à l'heure une onde rafraîchissante ne coulait-elle pas sur ce gazon fleuri ? Saint Vierge, mère de Dieu!» s'exclama une bonne vieille qui filait sur le bord de la fontaine où elle était assise, vêtue du costume grossier des paysannes d'alors; « ayez pitié de celui qui va mourir.» Car on savait, d'après une ancienne tradition, ce triste pronostic :
Plus heureuses sont nos fontaines sacrées, placées sous le vocable de nos Saints et sanctifiées par leurs prières. Car si elles ne rendent pas toujours la vie et la santé aux malades qui les visitent elles leur en donnent au moins l'espoir et les consolations.