On raconte aussi qu'à Coucy-le-Château, le pays des légendes par excellence, la cloche du beffroi avait la propriété de sonner d'elle-même quand un habitant de la ville était sur le point de mourir. Mais les oreilles de la personne menacée étaient seules frappées, paraît-il, de ses tintements lugubres.
Un échevin nommé Canivet, dit M. Mellevile dans son histoire de Coucy, entendit ainsi pendant la nuit cette cloche sonner lentement quinze coups. Comme il se trouvait en parfaire santé, il ne put s'imaginer que cet avertissement fût pour lui. Il le crut destiné à sa femme qui, atteinte d'une grave maladie de poitrine, gardait le lit depuis longtemps. Toutefois il ne voulut rien dire à la malade de peur de l'eftrayer et de la conduire plus vite au tombeau. Mais l'avertissement était bien pour lui-même, car il mourut au bout de 15 jours.
Sa femme, au contraire, entra en convalescence et elle avait entièrement recouvré la santé quand, à son tour, elle entendit le tintement fatal retentir la nuit à ses oreilles. Ele se crut perdue ; mais son fils aîné l'avait également entendu et fut frappé de mort subite. A quelque temps de là cette femme convola à de nouvelles noces, et elle mit au monde successivement plusieurs enfants; mais à chaque fois elle entendait tinter la cloche du beffroi et peu après ses enfants mouraient subitement.
On s'est demandé sans doute bien des fois, au Moyen-Age, si ces coups de cloche qui pouvaient être le fruit de l'imagination ou d'un esprit troublé par les préoccupations de la mort, étaient produits par les malins esprits, ou plutôt par les bons anges qui, par ces avertissements salutaires, voulaient prévenir l'homme de se préparer au moment suprême qui s'approchait pour lui. La question étant restée indécise, nous en laissons la solution à de plus habiles que nous, bien que nous croyions entrevoir une réponse toute faite dans l'une des inscriptions que nous avons citées plus haut où nous avons vu que, si la cloche avait pour mission d'appeler aux armes, de conjurer la foudre et les fléaux, d'annoncer les fêtes du Seigneur, elle avait aussi celle non moins importante de marquer à l'homme les jours et les heures qu'il doit passer sur la terre et même le devoir de le pleurer à son départ. En faudrait-il davantage pour la faire regarder, en certaines circonstances, comme la messagère inspirée, dont Dieu se veut parfois pour nous dénoncer ses oracles et nous révéler l'avenir?
Dans tous les cas écoutons sa voix, parce que la cloche est la voix de Dieu et l'envoyée du Ciel.