Si les marais de Saint-Benoit fournissent d'excellents chevaux pour l'agriculture et pour l'armée, c'est qu'ils sont souvent fréquentés, la nuit, par les Dames Blanches. Ces fées tiennent des chandelles de cire allumées dont elles font tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu'elles peignent et qu'elles tressent ensuite fort proprement. Quelquefois même elles pénètrent dans les écuries, où elles accomplissent le même devoir.
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Les fées et les fradets ont joué également un grand rôle à Saint-Benoit. Ils habitaient les vastes souterrains-refuges au-dessus desquels s'élève le bourg, et dont il est facile encore de constater l'existence. [...]
Une nuit, une fée emporte, dans la casse près de laquelle a été planté le calvaire, un enfant à la mamelle, qu'elle avait dérobé dans une maison voisine; elle l'avait remplacé, dans son berceau, par un petit fradet. La mère voyant que ce fradet ne profitait point, et se doutant du tour qui lui avait été joué, va consulter le prieur, qui était le grand désensorceleur du pays; celui-ci lui ordonne d'allumer, le soir, sur l'âtre du foyer, trois cents lampions. Cet expédient lui réussit à merveille; en effet, le fradet, en voyant ces flambeaux, parle pour la première fois et se fait connaître en disant :
J'ai cent ans, cent ans, plus cent ans, Ma vérité, je vous le dis, Jamais je n'avais vu tant De petits pots (c'était des coques de limaçons) et de clairies (flambeaux).
La mère aussitôt le porte avec respect au bord de la casse. Le lendemain matin, elle retrouva dans son berceau son enfant frais et plein d'un embonpoint merveilleux.