Un berger, parbleu ! un berger des environs d'Albert (c'est, dans la Somme, l'ancienne ville d'Ancre), observa que ses moutons, exceptionnellement dodus, se rassemblaient toujours, pour paître, autour de certain tertre, d'où l'herbe jaillissait exceptionellement drue et saine. Ayant en la motte de terre plongé sa houlette, il sent un peu de résistance, retire son bâton, le voit ensanglanté. Terreur, fuite. Les moutons, parce que moutons, ne laissent de détaler sur ses pas. Le pâtre conte l'aventure à Pierre et à Paul, et ce n'est qu'escorté d'une population qu'il ose revenir au monticule. Des héros se décident à creuser; quelques coups de bêche découvrent une statue de la mère de Jésus-Christ. On la porte triomphalement dans l'église paroissiale, où aussitôt elle prodigue des miracles.

Un matin, les bedeaux constatent que la Vierge a disparu.

Emoi, consternation. Les habitants s'occupent à se soupçonner les uns les autres. On perquisitionne, on explore. Enfin on retrouve la précieuse image à une faible distance de la ville, en plein vent,à cent pas de la rivière d'Ancre. On la ramène à la paroisse, on l'enchaîne, on établit une garde nombreuse, armée jusqu'aux dents, pour empêcher ce que l'on suppose une... fumisterie de quelque parpaillot.

Le lendemain matin, les bedeaux constatent que la Vierge a disparu. On la retrouve au même endroit que la veille, on la réintègre, on prend les mêmes précautions. En vain, puisque:

Le lendemain matin, les bedeaux... etc.

Idem je ne sais combien de jours de suite.

On en conclut que la Vierge estimait l'église d'Albert indigne de la recevoir, et l'on se mit en devoir de lui édifier une fastueuse basilique au lieu choisi manifestement par elle.

Ce qui fut fait. L'année dernière au Salon, on a pu remarquer une superbe statue de N. D. de Brebières, destinée à une magnifique basilique que l'on vient d'édifier à côté de l'ancienne, de la primitive, mais toujours au même endroit, par respect pour la tradition.