[Le roi Dagobert], ainsi que cela arrivait fréquemment aux âmes pieuses de ce temps, avait eu une vision. Il se trouvait devant le tribunal de Dieu pour rendre compte des actes de son règne. Ses réponses, par leur ton trop assuré, avaient courroucé saint Michel, qui allait lui faire ressentir les effets de sa colère, quand saint Denis, le protecteur spécial de Dagobert, s’interposa en pacificateur et parvint à concilier au roi les bonnes grâces du terrible archange.
Plein de reconnaissance, Dagobert fonda l’abbaye de Klingenmünster, pour pouvoir consacrer un lieu saint à la glorification de ses deux célestes amis.
Et bien lui en prit de fonder cette abbaye, car la même légende, ou bien une autre qui se répandit dans les pays vosgiens, aussi bien que dans le Palatinat et dans toute la Basse-Alsace, à Wissembourg, à Ebersmünster, à Haslach, enfin partout où il y avait des abbayes en quête d’origines miraculeuses, nous raconte encore ce qui suit :
Lorsque le bon roi Dagobert eut quitté ce monde, il se trouva qu’il ne s’était pas entièrement purifié de ses péchés. Profitant de cette coupable négligence, les démons, avec la permission du Seigneur Dieu, s’emparèrent de l’âme du pauvre défunt et l’entraînèrent sur un navire, pour la transporter en des régions inaccessibles. Mais saint Denis, le puissant patron, se souvenant à propos de la dévotion particulière que Dagobert lui avait témoignée de son vivant, demanda à Dieu l’autorisation de venir en aide à son bon ami, ce qui lui fut accordé.
Saint Denis, aussitôt, fit appel à saint Maurice et à d’autres élus que le roi Dagobert avait honorés et fêtés de préférence pendant son séjour sur terre. Des anges de bonne volonté même se joignirent à eux et les accompagnèrent jusque dans la mer. Arrivés en présence des démons, les champions de Dieu leur livrèrent hardiment combat. Les esprits malins ne purent opposer qu’une résistance dérisoire à une si sainte phalange, et ne tardèrent pas à être mis en déroute. Ils furent précipités pêle-mêle dans les flots. Après quoi, les anges délivrèrent l’âme de Dagobert, purifiée complètement par cette épreuve ; ils l’emportèrent sur leurs ailes et la ramenèrent en grand triomphe au paradis.