D'après la légende, cet endroit fut fondé au dix-septième siècle. Le fait principal rapporte qu'un bourgeois, qui s'appelait Henri Buschmann, passant lors d'un voyage vers Noël 1641 par les landes de Kevlaar, où il y avait alors une espèce de croix; en y priant avec ferveur il entendit tout à coup une voix qui lui dit: C'est ici que tu dois ériger une maisonnette de Saint.
Comme il entendit quelques jours après encore une fois cet ordre au même endroit, où il n'y avait personne, il résolut sans rien dire de ce miracle, de faire de petites épargnes sur son gain modique, et d'amasser peu à peu tant qu'il fut à même de faire construire la maisonnette. Sur ces entrefaites l'hiver se passa.
Le printemps suivant, lorsque Buschmann avait déjà amassé la somme, sa femme lui raconta d'une apparition nocturne d'une maisonnette avec l'image de la Sainte-Vierge, sur quoi il raconta à sa femme étonnée l'aventure qui lui était arrivée. Les deux époux communiquèrent l'affaire aux capucins qui avaient un couvent dans le voisinage et qui aidèrent de suite à la construction de la maisonnette, de manière qu'au 1 Juin 1642 le peuple de tous les environs firent le pèlerinage à la Sainte-Vierge exposée dans la maisonnette.
Plus tard ces pèlerinages augmentèrent toujours, de manière qu'on construisit beaucoup de maisons dans le voisinage de l'image et enfin se formait le village Kevlaar.
En 1842 on célébra à Kevlaar le Jubilée de 200 ans où il s'assembla de loin et de près, plus de 200,000 personnes.
Le poète allemand Heinrich Heine, illustra cette légende par un poème duquel nous rendons le sens aussi bien que possible.
La mère fut à la fenêtre,
Le fils était couché au lit.
Ne veux tu pas te lever Guillaume,
Pour voir la procession ?
Je suis si malade ma mère,
Que je ne puis ni voir ni entendre.
Lève-toi, allons à Kevlaar,
Prends ton livre et ton rosaire;
La Sainte Vierge guérira,
Entièrement ton cœur malade.
Les drapeaux des églises jouent au vent,
On chante des airs religieux.
C'est à Cologne sur le Rhin
C'est là que va la procession.
La mère suit la foule,
En conduisant son fils.
Ils chantent tous deux en choeur,
Bénie sois Sainte Marie.
La Sainte Vierge de Kevlaar
Est revêtue aujourd'hui de sa plus belle robe.
Elle a ce jour beaucoup de besogne à faire,
Il vient beaucoup de malades.
Les personnes malades,
Lui portent pour offrande,
Des membres faits de cire,
Beaucoup de mains et de pieds de la même matière.
Celui qui offre une main de cire,
Est guéri du mal qu'il a à la main;
Et celui qui offre un pied de cire
Son pied guérit sous peu.
Maint se trainait à Kevlaar sur des béquilles
Qui danse aujourd'hui sur la corde;
Et maint joue maintenant le violon,
Qui n'y pouvait pas mouvoir un doigt.
La mère prit ensuite une bougie,
Et en forma un cœur;
Tiens; porte cela à la Sainte Vierge
Elle guérira ta douleur.
Le fils prit en soupirant le cœur de cire,
S'achemine en soupirant vers l'image de la Sainte;
Les larmes s'échappent de ses yeux,
Les mots s'échappent de son cœur :
Bénie de toutes les femmes,
Servante immaculée de Dieu;
Reine du ciel,
C'est à toi que j'adresse mes plaintes.
Je demeurai avec ma mère,
Dans la ville de Cologne;
Ville qui a plusieurs centaines
De chapelles et d'églises.
Et à côté de nous demeurait Marguerite,
Hélas, elle est morte maintenant;
Sainte Marie, je t'apporte un cœur de cire,
Veuille guérir la plaie de mon cœur.
Guéris mon cœur malade
Je veux aussi prier et chanter
Matin et soir avec ferveur
"Bénie sois Sainte Marie"
Le fils malade et la mère,
Dormirent dans la petite chambre,
Voilà que Sainte Marie
Y entra doucement.
Elle se pencha sur le malade
Et mit sa main,
Tout doucement sur mon cœur,
Sourit avec douceur et disparut.
La mère vit tout en songe,
Elle a vu encore bien autre chose;
Elle se réveilla de son somme,
Les chiens aboyaient si fort.
Le voila étendu,
Ce fils, il était mort,
Sur ses joues pâles,
Se mirait l'aurore!
La mère joignit les mains,
Elle ne savait qu'en penser;
Dévotement elle se mit à chanter tout bas,
"Bénie sois Sainte Marie"