Dans le voisinage de l'église de Sainte Marie du Capitole, ainsi nommée à cause de l'ancien emplacement du Capitole romain, vivait un pauvre cordonnier qui avait bien de la peine à soutenir sa petite famille du produit de son travail. Mais nonobstant son état de gêne, cet homme se trouvait heureux, car il avait un petit fils qui promettait beaucoup et qui de jour en jour lui donnait plus de joie.
Hermann Joseph, c'était le nom de l'enfant, se distinguait entre tous les enfants de son âge par son zèle et sa modestie et principalement par ses sentiments enfantins et pieux. Lorsqu'il se rendait à l'école voisine de l'église, ou bien lorsqu'il se livrait au jeu sur le cimetière, il avait l'habitude de se prosterner sous la poterne des trois Rois, et d'adresser une fervente prière à la Sainte Vierge qui y est représentée en pierre, l'enfant Jésus sur les bras. La prière d'un enfant pieux se transforme facilement en entretien familier. C'est ainsi que Hermann Joseph avait tout l'air de converser avec la Sainte Mère et plus encore avec son enfant Jésus qui faisait beaucoup d'impression sur son âme enfantine.
Mainte fois, en leur racontant de la sorte ce qu'il avait appris et ce qui lui était arrivé, il priait l'enfant Jésus de descendre et de venir un peu jouer avec lui. Il lui semblait alors voir les statues de pierre s'animer et lui sourire amicalement; une fois il crut même qu'elles lui avaient fait signe de monter jusqu'à elles. Cette fois là il fut triste de ne pouvoir se rendre à leur invitation, vu l'élévation trop grande des niches. „Ce bon petit Jésus," pensait-il, „descendrait peut-être un jour si je lui faisais un petit cadeau.“ Plein de cette pieuse simplicité, il tendit un jour vers la statue une fort belle pomme que son père lui avait donnée; au même instant l'enfant divin s'abaissa vers lui et accepta la pomme. Dès ce jour, l'enfant n'avait souci que de se procurer des cadeaux pour son image favorite, soit que ces offrandes consistassent en fruits ou en fleurs; et comme le petit Jésus recevait toujours ses dons avec une reconnaissance visible, Hermann Joseph fut bientôt dans des relations fort intimes avec l'objet de son amour et de sa vénération; aussi toutes ses actions furent-elles couronnées de succès et de bonheur.
Hermann Joseph, en grandissant, aurait voulu se vouer aux études théologiques, mais la fortune circonscrite de ses parents y mit obstacle. Le jeune homme affligé s'en plaignit un jour devant le saint groupe de pierre; en même temps il entendit des paroles pleines de consolation, et un endroit lui fut désigné dans la nef de l'église, où il trouverait sous une pierre de quoi satisfaire son désir. En effet un trésor y était caché qui le mit en état de s'adonner à ses études de prédilection, et après y avoir fait de rapides progrès, il résolut d'embrasser l'ordre des Bénédictins, et se fit recevoir au couvent de Steinfeld.
Là il fut infatigable dans les travaux scientifiques; sa piété même, cause première de toutes ses réussites, souffrit tant soit peu de cette ardeur pour les études; il arriva donc une époque où ses recherches dans le domaine des sciences ne lui donnaient plus la satisfaction qu'il en avait attendue. Il adressait alors de nouveau ses ferventes prières à la Vierge qui lui apparut en songe et telle qu'on voit sa statue au-dessus de la poterne des trois Rois. Avec un regard sérieux et aimable à la fois, elle l'exhortait à ne pas négliger, pour un vain savoir, la foi et l'amour qu'il lui avait voués ainsi qu'à son divin fils, et à ne donner désormais qu'une partie de ses loisirs à l'étude. A son réveil, il prit ce songe comme un avertissement du Ciel. Il y fut docile, et régla en conséquence les actions de sa vie. Hermann Joseph mourut à un âge avancé, aimé et vénéré autant pour sa piété que pour ses profondes connaissances.
Plus tard il a été proclamé saint par l'organe du saint Pontife. On montre encore aujourd'hui son tombeau dans l'abbaye de Steinfeld. Sa statue en pierre se voit à l'église de Sainte Marie du Capitole et représente la scène où il tend la pomme à l'enfant Jésus.