Le roi Vionet régnait au troisième siècle sur les parties de la Grande Bretagne non soumises à la domination romaine. Quoique les profondes ténèbres du paganisme fussent encore répandues sur son royaume, le roi, ainsi que son épouse et sa fille unique, avait embrassé le christianisme. Un ange était apparu à la dernière pendant son sommeil, lui ordonnant de se convertir à la religion du Sauveur. Le même ange avait engagé la fille royale à se préparer aux souffrances et même à la mort des martyrs en l'honneur du Christ.
Ursule, pleine d'enthousiasme, avait pris la ferme résolution de suivre cette inspiration céleste; et lorsque le prince allemand Agrippinus eut envoyé des ambassadeurs au roi son père pour lui demander en faveur de son propre fils la main de cette vierge aussi belle que pieuse, celle-ci refusa fermement de contracter ce mariage. Elle aurait également refusé tout autre fils de roi préférant, disait-elle, sacrifier sa vie au service du seul vrai Dieu et de celui qui subit pour nous la mort sur la croix. Mais l'ange qui lui était déjà apparu une fois, se fit de nouveau connaître et l'engagea à accepter l'offre du prince allemand, parce qu'elle serait en état de convertir et de sauver une âme, et d'accomplir ainsi une oeuvre agréable à Dieu. L'ange lui ordonna ensuite de demander à son père un cortège de vierges aussi nombreux que possible, et après qu'elle les aurait elle-même engagées à embrasser le christianisme, elle les prendrait avec elle à Cologne dans le palais de son futur époux. A son arrivée en cette ville, et avant de procéder à l'union désirée, elle devait entreprendre avec toute cette suite un pèlerinage à Rome, puis retourner à Cologne.
En effet peu de temps après, Ursule s'embarque avec onze mille vierges sur onze navires, passe la mer, et remontant le Rhin, arrive à Cologne. Elle y est reçue avec tous les honneurs imaginables, mais elle poursuit son voyage jusqu'à Bâle, où le représentant de Rome lui facilite les moyens de continuer son pèlerinage par dessus les Alpes. A Rome Ursule reçoit avec toute sa suite la bénédiction du pape Cyriac, et, comme si le représentant du Christ avait prévu leur destinée, il les accompagna à leur retour, afin de les protéger au moins de ses armes spirituelles.
A Mayence, Coman, fils d’Agrippinus, attendait sa fiancée. En la voyant, en sentant le respect que commandait la présence du pontife, en admirant cette suite magnifique, il était bientôt convaincu de la vérité de la nouvelle doctrine. Il se fit chrétien. Après que le mariage eut été solennellement célébré, tout le cortège descendit le Rhin pour se rendre à Cologne.
C'est vers cette même époque que les Huns dévastaient les belles contrées de la patrie allemande. Ils arrivaient devant Cologne avec une armée nombreuse, et nonobstant la résistance la plus opiniâtre des assiégés, la ville fut prise d'assaut. Tout ce qui respirait, fut massacré par ces barbares, ennemis du christianisme; mais leur fureur de cannibales se dirigeait particulièrement contre le pape, contre Ursule et ses compagnes. Celles-ci furent toutes mises à mort après des souffrances et des tortures inouïes. Ursule et son époux furent les derniers. Mais tous montrèrent jusqu'au dernier moment de leur vie une constance et un mépris de la mort tels qu'ils étonnaient les païens mêmes. Une seule vierge, dit-on, nommée Cordule aurait trouvé l'occasion d'échapper à ce massacre général et de se tenir cachée. Mais voyant en esprit toutes ses compagnes jouir de la béatitude et des joies célestes, transportée par cette vision, elle se livra aux mains des barbares.
A cause de sa vie pieuse et de son martyre, Ursule est vénérée comme sainte. A Cologne, l'église qui porte son nom, lui est consacrée. C'est dans l'enceinte de cette église que reposent jusqu'à ce jour ses reliques ainsi que celles des onze mille vierges. Le tombeau de la sainte s'y trouve à la gauche du chœur. Elle y est représentée en albâtre sur un socle de marbre, une colombe blanche est à ses pieds. Une colombe semblable, dit-on, aurait indiqué la tombe sur laquelle l'église a été élevée.