Les gens de Licq avaient depuis longtemps besoin d'un pont. Mais personne n'osait entreprendre ce travail, parce que l'endroit était mauvais.
Un beau jour ils décidèrent qu'il fallait donner ce pont à faire aux Lamignac. On les appelle au pays, et on leur dit l'extrémité où l'on se trouvait réduit. Les Lamignac promettent de faire le pont en pierres de taille, pendant la nuit du lendemain, avant que le coq ait chanté, mais à condition qu'on leur donne ce qu'ils se proposent de demander. Les gens de Licq leur dirent : « Que demandez-vous donc ? » Les Lamignac répondirent : « Nous demandons pour paiement l'a plus belle fille de Licq ».
Certes, cela faisait de la peine aux gens du pays de perdre cette fille; ils accueillirent cependant la demande des Lamignac, et, dans la nuit du lendemain, ceux-ci se mirent au travail.
Comme tout le monde le sait, les belles filles en tous lieux sont recherchées. Cette belle fille de Licq avait, elle aussi, son amoureux qui lui faisait la cour. Cet amoureux, sachant ce qui se passait, se poste le lendemain soir près du chantier des Lamignac et voit avec terreur que le travail va être achevé avant la moitié du temps fixé. Le cœur tourmenté, pris d'une sueur froide, il se met à réfléchir tant et si bien, qu’une idée lui vient à l'esprit.
Il va vers un poulailler, en ouvre doucement la porte et fait avec les mains quatre ou cinq fois un bruit pareil à celui que fait un coq avant de chanter. Le coq du poulailler se réveille en sursaut, craignant d'être en retard, et tout de suite fait : « Coquerico ! »
C'était le moment où les Lamignac soulevaient à moitié de sa hauteur la dernière pierre; mais dès qu'ils entendirent le chant du coq, ils jetèrent cette pierre à l'eau et s'échappèrent à grand bruit en disant : « Maudit soit ce coq, qui a fait son cri avant l'heure ! »
Depuis lors, disent les vieux, personne n'a pu faire tenir dans la place vide ni cette pierre jetée en bas, ni d'autres.