[...] Une nuit que mon oncle Julau revenait, par les p'tits chemins, de la foire de Mango-Lérian, où il avait vendu une vache sur laquelle il avait bu p'us d'une chopine, il aperçut dans un grand champ où passait la sente qu'i' suivait, un homme tenant ent'e ses bras une grosse pierre. Cet homme allait tantôt en long, tantôt en large et répétait sans cesse : Où la mettrai-je ?... où la mettrai-je ?... où la mettrai-je ?... Eh b'en! bouferrre, dit mon oncle qu'avait la tête chaude, mets-la où tu l'a prise, donc !...
Aussitôt l'homme vint à l'i et l'i dit d'une voix creuse : — « Merci, mon ami, car depuis cent ans j'avais su' les bras cet' maudite pierre, que, de mon vivant, j'avais enlevée dans un champ, pour voler quelques sillons à un voisin, et j'attendais, depuis cent ans, qu'une voix chrétienne vînt me dire où je devais la mettre... Merci encore, mon ami, et priez pour moi. »
Mon oncle vit alors cet homme planter sa pierre entre deux sillons, et puis..., et puis i'n'vit p'us r'en !!!
Cette vision d'âme en peine fit tant d'impression su' mon oncle Julau, que jamais, au grand jamais i'n's'est grisé d'puis. »