Parmi les récits lugubres qui circulaient dans le populaire de Paris au quinzième siècle, il en est un qui eut pour théâtre le jeu de paume de la rue de Perpignan.
Un bâtard d'Armagnac, grand enjôleur de fillettes, querelleur, détrousseur de bourgeois et joueur enragé, fréquentait ce jeu de paume, jurant et trichant, prêt à mettre flamberge au vent à la moindre résistance, portant des défis à tout le monde dans ce carrousel pacifique; c'était un vrai Robert le Diable de carrefour.
A l'extrémité de l'esplanade où les joueurs luttaient d'adresse, une niche gothique toujours parée de roses abritait la madone du jeu de paume, car, plaisirs comme douleurs, nos bons aïeux mettaient dévotement tout sous la protection d'un saint ou d'une Notre-Dame. L'impie s'amusait souvent par bravade et forfanterie à lancer des pelottes sur le sein de la Vierge, jurant quand il manquait son but, et riant quand il l'atteignait d'une manière indécente.
Un pareil sacrilege devait avoir son châtiment.
Or, il arriva qu'un jour de défi, en présence d'une grande foule, il était sur le point de gagner la partie, quand soudain toutes les balles qu'il lançait, au lieu de prendre la direction qu'il leur donnait, allèrent, poussées par une force invisible, se loger dans le manteau de la madone.
La foule, sous le coup du pressentiment qu'il va s'accomplir quelque événement miraculeux, resta frappée d'étonnement. Les cris et les murmures s'arrêtèrent; elle tomba à genoux et, tournée vers la vierge, pria tout bas pour l'impie, car elle avait deviné que la colère de Dieu s'était tournée vers lui.
Mais lui, seul debout, honteux de se voir le jouet d'une image de pierre, blasphéma davantage, vomit les plus horribles sacrilèges que lui souffla le mauvais ange et prit une balle pour la lancer directement sur la Vierge.
Il vise et lève le bras en criant : « au cœur. » Mais à peine a-t-il levé la main qu'il tombe foudroyé.
La foule, folle de terreur, se précipite dans la rue, fuyant ce damné et craignant d'être témoin d'autres malheurs plus terribles.
La nuit suivante, le corps du bâtard, couvert de fientes et ordures, fut traîné sur une claie, par ordre de l'évêque, jusqu'au port Saint-Landry et jeté dans la Seine, qui se chargea de conduire au diable le cadavre du maudit.