De la pyramide des Trente (ainsi qu'on la nomme), si l'on se dirige vers le sud-ouest, on ne tarde pas, en jetant les yeux sur la commune de Saint-Servan, à voir poindre, au bord de l'Oust, le clocher d'une chapelle dans laquelle repose, sous un grossier granit, le corps d'un saint évêque.
En l'an 720, saint Gobrien, évêque de Vannes, chassé par ses ouailles, plus païennes que chrétiennes, avait quitté cette ville en jetant sur ses habitants cette malédiction:
Vannetais, Vannetais,
A charretées vous viendrez m'vais !
et s'était retiré au lieu même où s'élève de nos jours le village qui porte son nom et la chapelle où sa mémoire est honorée; mais là, comme à Vannes, la méchanceté des hommes vint s'attacher à lui, car non seulement les gens de la contrée refusèrent de l'aider dans la construction de son ermitage et dans l'édification d'une chapelle qu'il voulait élever, plus pour eux que pour lui, mais encore ils apportèrent à ses travaux tous les obstacles qu'ils purent, et souvent ils défaisaient la nuit tout ce que le saint ermite avait fait le jour.
Saint Gobrien, privé de tout concours, et n'ayant ni charrette ni attelage pour le transport des matériaux qui lui étaient nécessaires, avait fabriqué un grossier, traîneau, sur lequel il plaçait les pierres et les bois dont il avait besoin, et attelait à ce traîneau un bœuf chétif qu'il s'était procuré pour les amener à pied d'œuvre ; mais ses persécuteurs voulurent encore le priver de cette ressource, et un jour que le saint était en prière, et que le bœuf paissait en repos, ils saisirent le pauvre animal et, pour le mettre hors de service, ils le blessèrent grièvement, en lui enlevant un lambeau de chair à la culotte.
Indigné et poussé à bout de patience, le saint invoqua Dieu et lui demanda vengeance des maux qu'il avait soufferts de toute part, et Dieu l'exauça; le feu ardent atteignit et décima les habitants de Vannes; et les méchants voisins qui l'avaient tourmenté subirent la peine du talion en portant eux-mêmes une plaie comme le bœuf et au même lieu.
Saint Gobrien voulut bien guérir les habitants de Vannes qui allèrent le trouver à charretées, comme il l'avait prédit; mais jamais il ne pardonna aux méchants qui avaient mutilé son bœuf, et si l'on en croit la tradition religieusement conservée au pays de Josselin, les descendants de ces méchants ont un côté moins fourni que l'autre, et ne sauraient s'asseoir carrément. Aussi, de nos jours encore, quand nos paysans veulent plaisanter les gars de Saint-Servan et de Trégranteur, ils mettent la main..... quelque part et leur jettent en riant le nom de saint Gobrien.
Dieu nous préserve des vengeances d'un saint!