La légende de Saint Jugon [La Gacilly (Morbihan)]

Publié le 18 mai 2023 Thématiques: Accident , Animal , Animal choisissant un lieu , Berger , Boeuf , Champs , Chapelle , Croix , Enfant , Fontaine , Guérison , Légende chrétienne , Lieu miraculeux , Loup , Météo , Miracle , Mort , Origine , Origine d'un lieu , Origine d'un lieu de culte , Pauvre , Paysan , Pèlerinage , Pluie , Punition , Résurrection , Saint Jugon , Saint | Sainte , Troupeau ,

La chapelle Saint Jugon
La chapelle Saint Jugon. Source Site de la ville de La Gacilly
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Source: Ducrest de Villeneuve, E. / La château et la commune (1842) (3 minutes)
Lieu: Chapelle Saint Jugon / La Gacilly / Morbihan / France

Un enfant était né au village de Haudiard en La Gacilly. C'était le fils d'une pauvre veuve. Sa mère était tout pour lui après Dieu. A l'âge où l'on envoie les enfants garder les troupeaux, le petit Jugon cultivait déjà son jardin et son champ avec un tel succès, qu'il en tirait un produit plus grand que ne faisaient ses voisins d'un terrain quatre fois plus étendu. Quand il avait labouré, Jugon allait sur les landes de Sigré et de Mabio garder et faire paître son pauvre troupeau, quelques chétifs moutons et une bonne vache nourricière, la compagne de son enfance; aussi aimait-il sa bonne brune, et sa brune l'aimait-elle à son tour. Cependant le petit berger se mit à penser qu'il serait plus utile à sa mère, labourerait mieux son jardin et deviendrait plus agréable au seigneur s'il pouvait s'instruire. Pendant que sa vache et ses moutons paissaient, il courait à deux lieues de là, près du recteur de Saint-Martin. Un jour qu'il était allé recevoir les leçons de son maître, après avoir recommandé aux autres pâtres de veiller sur son troupeau, le loup survint, et voyant les enfants très occupés de leurs jeux, tua la vache du petit Jugon. Il se préparait à la déchirer, quand sa mère survint et jeta les hauts cris, en appelant son fils. Celui-ci, qui étudiait dans le jardin du recteur, lui dit tout à coup :
-On m'appelle, messire!
-Que dis-tu, Jugon! comment sais-tu cela?
-Placez votre pied sur le mien, répliqua l'enfant vous allez entendre comme moi.

Le recteur fit ce que désirait l'enfant, et aussitôt il entendit une voix désolée qui appelait, et cette voix était celle de la mère de Jugon. Alors le prêtre, touché d'un tel prodige, serra affectueusement l'enfant dans ses bras et lui dit :
-Va, mon ami, retrouver ta mère: tu en sais plus que moi tu as la grâce de Dieu.

Jugon partit à l'instant; arrivé sur la lande où il avait laissé son troupeau, il s'approcha de sa vache morte, traça de sa houlette blanche un cercle à l'entour, et invoqua le Seigneur; puis il toucha de sa baguette la vache, qui se leva soudain, se mit à bondir joyeusement et à paître, comme si elle n'avait jamais eu affaire au loup.

Un autre jour, au bas des champs de la VilleOrion, le saint enfant rencontra une troupe de jeunes filles qui sanglotaient et jetaient des cris de désespoir.
-Qu'avez-vous à vous affliger ainsi ? demanda t-il.

Notre amie, la pauvre Annette se meurt, répondirent-elles. Nous venons de faire une neuvaine à saint Jacques pour sa guérison et la fièvre a redoublé de violence; sa vie ne tient plus qu'à un fil.

Les pleurs ne remédient à rien, dit Jugon ; il faut toujours espérer en Dieu jusqu'à la fin, et ne pas se rebuter, parce qu'on n'est pas exaucé à la première prière. Récitons ensemble cinq fois le Pater et l'Ave, et invoquons la patronne de la malade, la bienheureuse sainte Anne ». Les enfants s'agenouillèrent sur le gazon au pied de la croix de pierre du pâtis et prièrent avec ferveur. Ils se rendirent ensuite auprès de la malade, qui après une crise heureuse, venait de recouvrer connaissance. Bientôt elle se rétablit tout à fait, et la renommée du saint enfant s'accrut dans le pays.

A quelque temps de là, Jugon, à peine âgé de seize ans, tomba malade, et voyant ses parents et amis réunis autour de son chevet, il leur dit que sa fin était proche; qu'il les priait de faire conduire son corps à la sépulture par les bœufs blancs de son oncle, et de l'enterrer là où ils s'arrêteraient d'eux-mêmes.

Jugon mourut bientôt, et il fut fait comme il avait dit. Une chapelle s'éleva sur sa tombe, le laboureur y vint prier pour ses récoltes et ses troupeaux. On alla en procession baigner dans la fontaine voisine le pied de la croix pour implorer la pluie par les grandes sécheresses, et les malades vinrent demander au nouveau saint la fin de leurs souffrances, en passant avec foi au-dessus de la pierre du tombeau, élevée de quelques pieds au-dessus du sol.

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Source: Fouquet Alfred / Légendes, contes et chansons populaires du Morbihan (1857) (5 minutes)
Lieu: Chapelle Saint Jugon / La Gacilly / Morbihan / France

Né au village d'Houdiard, sur la lande, Jugon perdit son père quand il était encore au berceau. Sa mère, pauvre veuve, n'avait pour toute ressource qu'une vache et quelques moutons; mais c'était une sainte femme, pleine de foi et de confiance dans le Dieu qui protège la veuve et soutient l'orphelin. Son enfant dans les bras, elle conduisait elle-même ses bêtes à la lande, et là, tout le jour, priait Dieu pour qu'il la consolât dans son affliction, et qu'il prît soin de l'orphelin; aussi le premier nom que Jugon balbutia fut le nom du bon Dieu, et le premier amour qui germa dans son cœur fut l'amour de Dieu !

L'enfant grandit, et, dès qu'il se sentit assez fort, il voulut épargner à sa mère le soin du troupeau, et lui demanda à le conduire seul dans les chemins et sur les landes. Sa bonne mère put alors se livrer avec plus de liberté aux travaux du ménage et à ceux que réclamait son courtil, jusqu'alors négligé.

Jugon devint bientôt le modèle des pâtres; il était soigneux pour ses bêtes, il ne les frappait jamais; aussi prospéraient-elles avec lui. Les autres pâtres le recherchaient, car il était complaisant; et tout le monde l'aimait, car il était doux et bon pour tout le monde.

Un jour que Jugon avait mené paître son troupeau au pâtis de la Ville-Orion, il aperçut de jeunes pâtouresses de sa connaissance pleurant à chaudes larmes; son cœur s'émut, et, s'approchant d'elles, il leur demanda d'où venait leur douleur. Hélas! dit l'une d'elles, la pauvre Annette, notre compagne, se meurt! Pourquoi pleurer, dit Jugon; les larmes que vous versez ne sauraient vous la rendre; ayons plutôt recours à la prière.

Nous avons déjà fait une neuvaine, répondirent les jeunes filles, et pourtant Annette est plus mal! - Prions encore, reprit Jugon, adressons-nous à la bienheureuse sainte Anne, patronne de notre amie, son intercession sera plus puissante que la nôtre; puis il conduisit les jeunes filles à la croix qui s'élevait au milieu du pâtis, et là, se prosternant tous, ces enfants prièrent avec ferveur. Leur foi fut récompensée; car en rentrant au village de la Corblaye, où demeurait Annette, les jeunes filles la trouvèrent souriante et assise sur son lit; elle sortait d'une crise terrible, mais heureuse; quelques jours après, elle était guérie.

A mesure que l'enfant prenait des forces, il les employait à soulager sa bonne mère, et bientôt elle n'eut plus à s'occuper du jardinage, car Jugon, quand il avait ramené du pacage sa vache et ses moutons, cultivait lui-même le courtil, qui, sous sa main soigneuse, rendit bientôt plus qu'il n'avait jamais rendu. La bénédiction de Dieu était avec lui.

A l'amour infini qu'il avait pour Dieu, à l'amour respectueux qu'il portait à sa mère, un troisième amour vint bientôt se joindre dans le cœur de Jugon, mais sans altérer en rien la pureté et l'étendue des deux premiers; ce fut l'amour de l'étude. Il voulait s'éclairer pour mieux honorer Dieu, pour mieux aider sa mère.

Il s'adressa au recteur de Saint-Martin, qui consentit à lui donner des leçons que chaque jour le jeune pâtre allait prendre, pendant que, sous la seule protection de Dieu, son troupeau paissait à deux lieues de lui. Il ne prenait d'autre soin, avant de le quitter, que de tracer, avec une branche de houx, un grand cercle autour de lui, et jamais le troupeau ne sortait de l'enceinte, et jamais les loups ne franchissaient le cercle.

Pourtant un jour, préoccupé de ses leçons, il partit pour Saint-Martin sans tracer le cercle mystérieux, et le loup vint se jeter sur sa vache. Aux cris des pâtres qui se trouvaient sur les lieux, aux meuglements plaintifs de la bête attaquée, la mère de Jugon se hâta d'accourir, et le loup effrayé disparut sans dévorer sa proie; mais la vache était morte; mais la veuve désolée jetait des cris en appelant son fils.

En ce moment Jugon, qui prenait sa leçon, se leva tout-à-coup et s'écria: Ah! Monsieur le recteur, ma mère pleure et m'appelle ! Que dis-tu ! mon enfant, reprit le recteur étonné, tu ne saurais l'entendre ! Placez votre pied sur le mien, Monsieur le recteur, et comme moi vous entendrez sa voix et ses sanglots.

Le bon prêtre plaça son pied sur celui de Jugon, entendit la voix désolée qui appelait l'enfant, et, surpris d'un tel prodige, il prit son élève entre ses bras, le serra sur son cœur et lui dit : - Va, mon enfant, consoler ta mère; tu n'as plus besoin de mes leçons, car la grâce de Dieu t'a fait plus savant que moi.... Jugon courut de toutes ses forces, et trouvant sa mère en pleurs près de sa vache morte, il lui dit en l'embrassant: - Consolez-vous, ma bonne mère, Dieu nous la rendra; puis ayant prié avec ferveur, il toucha de sa branche de houx la vache qui se mit à bondir joyeusement, ensuite à paître, comme s'il ne lui était rien arrivé.

A quelque temps de là, l'enfant dit au frère de sa mère qui l'aimait beaucoup :- Bientôt je mourrai; c'est vous, mon oncle, qui me tuerez, et ce sont vos jeunes bœufs, qui n'ont point encore subi le joug, qui me porteront en terre, et vous désigneront le lieu où doit reposer mon corps.

Jugon n'avait pas seize ans quand sa prophétie s'accomplit; pendant que son oncle bêchait, l'enfant s'étant approché de lui sans en être vu, la bêche levée le frappa à la tête, et il tomba mort. Son corps, chargé sur une charrette traînée par les jeunes bœufs de son oncle, fut conduit au cimetière et placé en terre sainte; mais le lendemain on trouva le bras de l'enfant hors de terre, et quoi qu'on fit, on ne put jamais l'y faire rentrer.

On exhuma donc le corps du saint enfant, on le remit sur la charrette traînée par les mêmes bœufs qui, sans guide, allèrent droit à la lande où Jugon vivant conduisait son troupeau, et ne s'arrêtèrent qu'au milieu de cette lande, là où nous voyons de nos jours son tombeau et sa chapelle. 

Ce tombeau est pour la contrée un sujet de joie, un objet d'amour et de vénération; les malades s'y rendent avec foi, se glissent sous la pierre, élevée de quelques pieds au-dessus du sol où repose Jugon, et se relèvent guéris de leurs maux. Quand la sécheresse prolongée menace de mort les fruits de la terre, on court en procession à ce tombeau, on baigne les pieds de la croix dans la fontaine voisine, et la pluie ne tarde pas à ranimer les récoltes compromises... C'est à la tombe de Jugon que les pâtres vont prier pour leurs troupeaux atteints de maladies; c'est à cette même tombe que les mères en pleurs vont demander le salut de leurs enfants.

Malheur à l'impie qui dérobe l'offrande déposée sur ce tombeau! Malheur à l'incrédule qui traite de fables les merveilles de ce saint lieu! car la fièvre ardente les atteint et toute la science humaine ne saurait les guérir; ce n'est qu'en passant à genoux sous la pierre du tombeau qu'ils pourront obtenir, s'ils sont vraiment repentants, le retour à la santé.

Dieu te garde, mon ami, du doute et de la fièvre.


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