La légende des soldats de Saint Cornely [Carnac (Morbihan)]

Publié le 30 juillet 2022 Thématiques: Animal , Boeuf , Christianisation , Dolmen/Menhir , Légende chrétienne , Miracle , Origine , Origine d'une roche , Origine d'un lieu , Paysan , Pierre | Roche , Protection , Romain , Saint Cornély , Saint | Sainte , Soldat , Transformation ,

Alignements de Ménec
Alignements de Ménec. Source Steffen Heilfort, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
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Source: Sauvé L. F. / Revue des Traditions Populaires (1987) (3 minutes)
Lieu: Alignement du Ménec / Carnac / Morbihan / France

Écoutez tous, petits et grands, le récit des choses merveilleuses par lesquelles saint Cornély fit connaitre aux gens de notre pays combien il était agréable à Dieu !

Saint Cornély était pape. Au cours d’une persécution où le sang chrétien coula à pleins ruisseaux, pendant neuf jours et neuf nuits, dans les rues de Rome, il dut demander son salut à la fuite. Son départ fut bientôt connu, et des soldats furent envoyés dans toutes les directions, avec ordre de le ramener mort ou vif. Quelles angoisses pour le malheureux pape ! Quelles fatigues ! Quels dangers ! S’il parvenait un jour à faire perdre ses traces, il se retrouvait le lendemain en face de ses persécuteurs plus nombreux, plus acharnés que jamais à sa perte. Sept ans entiers il erra ainsi d’un lieu à l’autre, toujours fuyant, toujours poursuivi. Dieu le soutint au milieu de ces épreuves cruelles, et lui permit d’arriver sain et sauf au fond de la Bretagne, sous le déguisement d’un toucheur de bœufs. Quand, poussant devant lui ses compagnons de misère, deux grands bœufs blancs, il atteignit le village du Moustoir, en Carnac, il put se croire hors de tout danger : depuis plus de huit jours, il n’avait pas rencontré un seul de ses ennemis.

– Je m’arrêterai ici, dit-il, bonne terre, beaux ombrages et aussi, sans doute, braves gens.

Il se trompait de plus de moitié. Presque aussitôt, il entendit une femme jurer et un fils insulter sa mère. Le cœur tout attristé, le saint fit un brusque saut en arrière. Dans ce mouvement de recul, il appuya si fortement le pied droit sur une grosse pierre que l’empreinte de ce pied y est restée depuis lors. Après un court moment d’hésitation, il reprit sa marche en avant et descendit au bourg de Carnac. Là, une douloureuse surprise l’attendait encore. Les soldats païens qu’il espérait ne plus revoir, occupaient les abords du bourg et toute la campagne environnante. Quelques pas de plus, il tombait entre leurs mains. Où fuir ? Devant lui la mer immense, à gauche, à droite, partout des ennemis. Il appela son bon ange : – Mon bon ange, tire-moi de péril ! – Volontiers. – Que faut-il faire ? – Entre dans l’oreille de l’un de tes bœufs. – Comment le pourrais-je ? – Dieu t’aidera.

Dieu l’aida, en effet, à entrer dans cette cachette, et il s’y blottit si bien que les soldats romains passèrent près de lui sans l’apercevoir. Il y serait resté longtemps, si les mêmes soldats, auxquels les vivres commençaient à manquer, n’avaient fait un jour main basse sur les deux bœufs, et ne les avaient emmenés dans la lande du Ménec pour les abattre. Saint Cornély appela de nouveau son bon ange. – Mon bon ange, tire-moi de péril ! – Volontiers. – Que faut-il faire ? – Étends les bras et commande à tes ennemis de se changer en pierres. – Je n’ai pas ce pouvoir. – Dieu te l’accordera.

Et Dieu le lui accorda, comme l’ange l’avait dit. Les soldats romains, tous sans exception, furent frappés d’immobilité au même instant. Ils étaient huit ou dix mille qui, d’Étel à Locmariaquer, descendaient, en épaisses colonnes : tous, sans exception, furent au même instant changés en pierres. A la place qu’ils occupaient ils sont demeurés ; à la place où ils se sentirent cloués au sol, on peut encore les voir aujourd’hui, non pas tous, la foudre en a anéanti plusieurs, la main des hommes en a détruit plus encore, mais en assez grand nombre pour témoigner à jamais du plus grand prodige que la bonté infinie de Dieu ait permis à l’un de ses saints d’accomplir.

Ces pierres sont connues de tout le monde sous le nom de « soldats de Saint Cornély ».

En souvenir du jour où il s’était réfugié dans l’oreille de l’un de ses bœufs, saint Cornély a voulu être le protecteur des bêtes à cornes, et cette faveur ne lui a pas été refusée. Il éloigne des étables le crapaud, le sourd, les serpents et les mauvais esprits ; il empêche les sorcières de soutirer la force des taureaux et de gâter le lait des vaches; il est le médecin et le bienfaiteur des troupeaux.

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Source: Fouquet Alfred / Légendes, contes et chansons populaires du Morbihan (1857) (moins d'1 minute)
Lieu: Alignement du Ménec / Carnac / Morbihan / France

[...] Si nos bœufs sont spécialement protégés par saint Cornily, c'est parce qu'ils ont droit à sa reconnaissance et à ses bienfaits, pour lui avoir sauvé deux fois la vie. Ainsi, pendant qu'il était au pays de Carnac, il fut poursuivi par des soldats qui voulaient en faire un martyr. Le saint, en fuyant devant eux, passa près de cultivateurs qui ensemençaient un champ, et ne trouvant aucun leu de refuge, il se cacha dans l'oreille d'un bœuf. Les soldats qui le poursuivaient rencontrèrent, quelques heures plus tard, les laboureurs qui revenaient de Tharme leurs semailles et leur demandèrent s'ils avaient vu l'homme qu'ils cherchaient. Sans doute, répondit l'un d'eux, il a passé près de nous au moment où nous semions nos blés... Ainsi renseignés, les soldats continuèrent leur poursuite, mais arrivés au champ indiqué, et voyant les blés levés et verts, comme l'herbe (miracle opéré par le saint), ils s'imaginèrent que les laboureurs s'étaient moqués d'eux et mirent fin à leurs recherches... Une autre fois, saint Cornily, pressé peut par les mêmes soldats, allait tomber entre leurs mains, quand un troupeau de bœufs arriva tout-à-coup, s'élança sur eux, en blessa plusieurs et les mit tous en fuite...  [...]

Du reste, notre bon patron avait assez de vertu pour se tirer, sans aucun secours, des plus mauvais pas, et ce qui me reste à vous dire de lui va vous prouver sa puissance et sa grandeur.

Un jour que le saint, arrêté par le bras de mer de Crac'h, allait être saisi par ses persécuteurs, il étendit la main contre eux, et les changea tous en pierres....Ces pierres, que plus de mille curieux viennent visiter chaque année, ne sont connus dans toute la contrée - Le que sous le nom de soldats de saint Cornily, et les beaux messieurs de la ville me font rire et suer, quand ils viennent gravement nous dire que ce sont nos ancêtres qui ont planté, en rangées qui ne finissent pas, et par le petit bout encore, toutes ces roches qui ne servent à rien, et que vingt des plus forts gars du pays ne sauraient seulement remuer...


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