La Loue formait jadis un lac étroit entre deux longues chaines de rochers. Il ne reste aucun vestige de la digue qui retenait les eaux de ce lac, vu que les flots en ont roulé les débris dans le Doubs. Au reste, tous les habitants des rives de la Loue content, chacun à sa manière, l'histoire de l'amant noyé. Saint Bernard avait fondé le moutier d'Ounans sur les ruines d'une chapelle votive dédiée à la mémoire d'un damoisel victime d'un imprudent amour. Le vénérable Hilaire, archevêque de Besançon, nous a conservé cette histoire.
Cinq ou six siècles en çà, vivait à Clairvent un riche homme de Bourgogne, qui joignait la déplaisance à la fierté. Les tourelles de son château se miraient dans le lac de Loue. Il avait une fille belle à ravir et qui n'était pourtant mie glorieuse. Cette jolie pucelle aimait un gent menestreux de Montbarrey; mais Rainfroi, dur et chiche, ne voulait pas qu'elle épousât le pauvre Philippe, et la vive Alicette fut mise en étroite prison, malgré ses pleurs. Philippe alors creusa un chêne à l'aide du feu, et quand la lune était à son décours, il traversait le lac, guidé par un fanal qu'allumait la nourrice d'Alicette. Il baisait la main de sa mie à travers les barreaux de la tour et revenait content de sa soirée. Mais sa boursette s'épuisa bien vite à payer la nourrice avaricieuse. La maudite gogne souffla une nuit son cierge, et le canot mal dirigé dévala tout à fond. Philippe se noya tristement. Peu de jours après, Rainfroi passa lui-même de vie à trépas, et sa fille, libre enfin, jura de retrouver son amant mort ou vif. Elle fit rompre à Parcey la digue qui retenait les eaux du lac, et l'on retrouva en effet, à Chissey, où il avait chust, Philippe déjà tout défiguré. Alicette garda de lui perpétuelle souvenance, et bâtit la chapelle d'Ounans, où elle fut inhumée à côté de son doux ami. Dieu ayt son âme! Ainsi soit-il. »
Voilà ce que narraient les chastes Bernardines en confabulant au réfectoire.
On voit au Musée de Dole les fragments d'un canot de la plus haute antiquité, creusé à l'aide du feu et à la manière des sauvages. Ce canot a dû être enseveli sous les eaux de la Loue longtemps avant que les Gaulois fussent civilisés.