La légende du chevalier de Bellecombe et du sire du Chatelet [Reignier-Ésery (Haute-Savoie)]

Publié le 20 mars 2023 Thématiques: Amour , Amour impossible , Défi , Demande en mariage , Dolmen/Menhir , Noblesse , Pierre | Roche ,

La Pierre aux Fées
La Pierre aux Fées. Source Björn S., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Pierre aux Fées / Reignier-Ésery / Haute-Savoie / France

Les blocs erratiques qui émaillent en grand nombre la plaine avoisinant le chef-lieu du canton de Reignier sont tout autant de sujets de légendes. Voici celle qui est restée attachée à la Pierre-aux-Fées.

Le chevalier Aymon de Bellecombe aimait Alice, fille de son voisin le baron du Châtelet. Il sollicita la main de la damoiselle, car alors on n’aimait qu’honnêtement, et la chevalerie n’est qu’une branche de l’arbre de l’honneur. Le baron ne repoussa pas brusquement la demande, seulement il mit à son consentement une condition qu’il croyait irréalisable. « Avant le lever de l’aurore prochaine, dit-il à l’amoureux, que ces quatre grosses pierres que vous voyez là-bas à grande distance les unes des autres soient réunies en un même lieu ; faites-en une table où l’on puisse dresser le repas nuptial, et ma fille est à vous. »

Le baron se frottait les mains d’aise d’avoir trouvé cet heureux expédient pour éconduire son voisin, et se félicitait d’avoir infligé une habile leçon à ce jeune téméraire, qui osait prétendre à une alliance si peu en rapport avec la fortune du pauvre gentilhomme. Il paraît aussi qu’alors déjà la fortune jouait un rôle important dans les conseils de familles; mais les grands parents seuls déféraient à ces avis-là, et les amoureux avaient le bon esprit de n’en point tenir compte. C’est un peu toujours comme cela.

En conséquence, le baron s’endormit plein de confiance dans l’habileté du moyen qu’il avait mis en oeuvre. Mais le jour avait à peine paru que, réveillé par un bruit inaccoutumé, le baron mit le nez à sa fenêtre et jugea de l’étendue de sa déception. Les pierres étaient là, groupées avec symétrie, équilibrées el calées de manière à rassurer les bouteilles et les plats qui déjà se pressaient en grand nombre sur cette table improvisée. Pris dans son propre piège, le baron fut obligé de donner la main d’Alice à l’heureux chevalier de Bellecombe.

Cette légende ne suffirait-elle pas pour obtenir que les blocs erratiques de Reignier fussent admis au rang des monuments historiques ? En attendant que cela arrive, et les géologues sont en instance à cet effet, les blocs en question servent de carrières à moellons et s’en vont pièce à pièce composer des murailles ou des pavés.


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