La légende de la chapelle de Notre-Dame de la Gorge [Les Contamines-Montjoie (Haute-Savoie)]

Publié le 12 mai 2023 Thématiques: Berger , Chapelle , Grivoiserie , Humour , Miracle , Origine d'un lieu , Origine d'un lieu de culte , Vierge ,

Notre-Dame de la Gorge
Notre-Dame de la Gorge. Source X-Weinzar, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Notre-Dame de la Gorge / Les Contamines-Montjoie / Haute-Savoie / France

Saint-Nicolas-de-Véroce, tel est le nom de la commune sur laquelle est située la petite chapelle dont nous allons nous entretenir. [En fait, maintenant sur la commune des Contamines-Montjoie]

Où finit la vallée de Montjoie et où commence la rude et longue montée du Bonhomme, abritée par une forêt de sapins et par une ceinture de rochers, apparaît un groupe d’habitations pittoresques et confortables autant que l’exigent les rigueurs des hivers qui règnent dans cette contrée. Au milieu de ces habitations, vous voyez aussitôt une chapelle aux formes élégantes et à la flèche élancée, caractères extérieurs qui correspondent aux caractères intérieurs du monument. C’est en effet presque un monument.

Reconstruite sous le règne de Louis XV, cette chapelle offre un spécimen parfait de ce style qu’on appelle le style des jésuites : abondance d’ornements, profusion de bimbeloteries, tels sont ces caractères distinctifs. Les ex–voto appendus aux murailles attestent le nombre des grâces obtenues par les pèlerins, et les pèlerins abondent partout où la grâce abonde. Le pèlerinage de Notre-Dame de la Gorge est un des plus fréquentés de la Savoie ; il a lieu la veille de la fête de l’Assomption.

L’origine de la chapelle de Notre-Dame de la Gorge remonte au-delà du quinzième siècle, s’il faut en croire les légendes locales; la fondation de la chapelle serait due au miracle suivant :

Un jeune berger s’entretenait amoureusement avec sa fiancée, comme lui, gardant ses troupeaux dans la prairie. Par intervalle, comme un nuage passe dans le firmament, une secrète pensée traversait l’esprit du jeune pâtre. Une étrange préoccupation lui faisait pousser de gros soupirs.

Voulez-vous savoir d’où provenaient ces gros soupirs, d’où naissaient ces tristes réflexions ?

Affligé d’un goître énorme, le pauvre garçon, en regardant le maigre corsage de sa fiancée, se disait que la nature s’était trompée et que la protubérance qui déparait sa gorge embellirait au contraire celle de la bergère. Notre amoureux promit à la Vierge de bâtir, en l’endroit même où il se trouvait alors, une chapelle en son honneur, si elle le débarrassait de sa difformité et en gratifiait la poitrine de sa fiancée.

Ce vœu fut immédiatement exaucé, tant la Vierge aime ceux qui l’invoquent, et, en souvenir de ce miracle, la chapelle reçut le nom de Notre-Dame de la Gorge.

Si vous trouvez cette légende un peu… décolletée et digne d’être écrite en latin, prenez vous-en à l’historien Sismonde Sismondi, qui l’a recueillie et consignée en bon français de 1822 sur le registre des voyageurs, dans un hôtel de Saint-Gervais. Nous la reproduisons au plus près de la lettre, autant que notre mémoire nous le permet.

Il va sans dire que la légende qu’on vient de lire n’a rien à faire dans le parrainage du sanctuaire vénéré de Notre-Dame de la Gorge. Ce nom vient de la position topographique de cette chapelle fréquentée par tous les hommes de foi de la vallée. En effet, à l’endroit où elle est construite, la vallée de Montjoie se resserre brusquement, et n’a plus d’autre issue qu’une échancrure de rocher, une gorge sauvage d’où s’échappe en mugissant le ruisseau redoutable qu’on appelle le Bon-Nant, en vertu de cette même figure de rhétorique qui fait qu’on donne aux Furies le nom flatteur d’Euménides.


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