La colline de Duingt semble s’avancer dans le lac d’Annecy, comme si son intention était de le traverser pour aller se souder au roc de Chère, situé sur l’autre rive. Elle fait si bien qu’on dirait que la presqu’ile qui la termine est un caillou recouvert d’un tapis de verdure, posé exprès pour recevoir le pied d’un voyageur géant et lui permettre de passer le lac à gué sans mouiller sa chaussure.
Cette presqu’ile, vrai paradis terrestre, possède un ancien château féodal dont une intelligente restauration a fait une résidence quasi princière.
A une certaine distance, un petit flot, qui émerge seulement à l’époque des basses eaux et qu’on appelle le Roselet, passe pour avoir été le séjour favori de certaines fées qui ne donnaient pas leurs services pour rien. On raconte en effet qu’elles avaient planté une double ligne de pilotis dans toute la largeur da détroit, dans le but de jeter un pont entre le rivage de Duingt et celui de Talloires. Mais leur travail est resté inachevé.
La faute n’en est pas à ces bonnes fées, croyez-le bien, mais au seigneur de Duingt. Celui-ci ne pouvait pas leur donner certaines choses qu’elles exigeaient pour prix de l’achèvement de leur oeuvre; et pourtant elles ne demandaient que du beurre et du sel! — Il faut croire que le sel et le beurre étaient déjà hors de prix dans ce temps-là, et l’on ose se plaindre aujourd’hui!
Ce qu’il y a de certain dans tout cela, si l’on en croit de Mortillet, Troyon et Revon, c’est que le Roselet était une station lacustre, que ces pilotis n’étaient autre chose que les bases des habitations de nos plus anciens grands-pères, et que les hommes n’ont rien en de plus pressé que de déserter leurs demeures humides quand ils ont pu s’établir avec sécurité sur la terre ferme.