La légende du combat du chevalier de Lalande [Bordeaux (Gironde)]

Publié le 26 janvier 2025 Thématiques: Combat , Construction , Eglise , Géant , Libération , Noblesse , Origine , Origine d'un nom , Promesse , Soldat , Victoire , Voeu ,

Intersection des rues Labirat et de Lalande
Intersection des rues Labirat et de Lalande. Source Google Street View
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: Graterolle, Maurice / Le vieux Bordeaux : Légendes et souvenirs (1891) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Intersection de la rue Labirat et de Lalande / Bordeaux / Gironde / France

[Les rues de Lalande et de Labirat] qui sont voisines l'une de l'autre doivent leur nom à une légende qui a certainement un fond de vraisemblance.
La voici :

Une armée de Sarrasins d'Espagne était venue, en 1206, assiéger Bordeaux; mais assiégeants et assiégés décimés également par la famine, convinrent, au bout de quelques mois, de remettre le sort de la campagne aux hasards d'un combat singulier entre deux champions choisis dans chaque armée. Si celui des Sarrasins était vaincu, l'armée espagnole devait lever le siège; si au contraire le sort des armes lui était favorable les Bordelais s'engageaient à ouvrir toutes grandes les portes de leur ville.

Les assiégeants choisirent, parmi leurs soldats, un véritable colosse, d'une bravoure à toute épreuve, et que sa taille gigantesque avait fait surnommer Goliath. Nos Bordelais, au contraire, ne pouvant trouver dans leurs rangs aucun rival capable de se mesurer avec ce redoutable adversaire, commençaient à se décourager déjà, lorsqu'un jeune homme, le chevalier de Lalande, vint noblement s'offrir pour ce combat décisif, faisant vœu, si la victoire le favorisait, d'élever un couvent en l'honneur de Notre-Dame.

Les deux champions, accompagnés des vœux de tous, se rencontrèrent bientôt devant les murailles de la ville sous le regard anxieux des deux armées. La lutte fut longue et acharnée, mais enfin la fortune vint au secours des Bordelais; de Lalande réussit en effet, comme autrefois David, à porter un coup mortel au géant Goliath, ot les Sarrasins, fidèles à la promesse donnée, levèrent aussitôt, dit-on, le siège de notre ville.

Les Bordelais, montés sur le haut de leurs remparts, avaient suivi, comme on le pense, avec la plus vive anxiété, les péripéties de cette lutte d'où dépendait le salut de leur ville. Aussi lorsqu'ils virent le géant tomber sous les coups répétés du jeune chevalier, des hourras frénétiques se firent-ils entendre avec des cris mille fois répétés de l'a birat, l'a birat, ce qui signifiait : il l'a tué, il l'a tué, et c'est en souvenir de ce cri de joie et de triomphe que fut donné le nom de Labirat, à la rue ouverte plus tard sur cet emplacement.

L'autre rue reçut le nom du jeune vainqueur qui, accomplissant son vœu solennel, fit bâtir une église à l'endroit même où il avait remporté cette victoire inespérée. Quelques auteurs affirment qu'on voyait encore, dans le courant du siècle dernier, attachée aux murs de cet édifice, — reconstruit par les descendants de Lalande, en 1497, — une vieille lance à laquelle était suspendu un collier qui aurait appartenu, dit-on, au Goliath espagnol. Au-dessous de ces objets, se lisait l'inscription suivante :

L'an de grâce environ mil et cent,
Fonda premier ung seigneur de la Lalande
Au carme vieilh ceste esglize et couvent,
Pour ce qu'illec obteint victoire grande
Contre ung géan quy conduisoyt la bande
Des Espaignols pour Bourdeaulx assaillit ;
Le dessus dict luy fist payer l'amende
Car il luy fist la teste à bas saillir.

Disons en terminant qu'il est permis de supposer, qu'en écrivant son admirable drame, la Fille de Roland, M. Henri de Bornier a peut-être emprunté à cette page glorieuse de notre histoire bordelaise, la scène dramatique qui amène l'un des plus beaux passages de son œuvre.


Partager cet article sur :


Je vous propose d'autres légendes de Gironde