La légende de Notre-Dame de Tréguron [Gouézec (Finistère)]

Publié le 15 mai 2023 Thématiques: Allaitement , Chapelle , Fontaine , Formule protectrice , Humour , Légende chrétienne , Miracle , Punition , Vierge ,

La fontaine et la Vierge
La fontaine et la Vierge. Source Moreau.henri, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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Source: Sauvé L. F. / Revue des Traditions Populaires (1886) (2 minutes)
Lieu: Notre-Dame de Tréguron / Gouézec / Finistère / France

La chapelle de Notre-Dame de Trégurun, dans la paroisse d’Edern (Finistère), est un lieu de pèlerinage bien connu des jeunes mères. La sainte donne du lait à toute femme qui la prie de remplir ses mamelles sèches ou taries. Chaque jour, de nombreuses pélerines, tant du Léon que de la Cornouaille, viennent s’agenouiller devant son autel et l’invoquer d’un cour fervent. Leur prière terminée, elles se rendent à la fontaine voisine ou, pour se conformer aux usages anciens, elles doivent jeter quelques-unes des épingles qui ferment leur corsage. Cette condition est de rigueur; point d’épingles, point de lait.

Un jour, une femme de Brasparts, qui avait un besoin particulier d’obtenir les grâces de Notre-Dame, à cause de deux jumeaux qui lui étaient nés, s’était rendue en pèlerinage à Trégurun, accompagnée de son mari. Celui-ci était d’esprit léger et riait volontiers de tout. Quand il vit sa femme laisser choir une à une, en se signant chaque fois, trois épingles dans la fontaine, il s’imagina, par manière de plaisanterie, d’en faire autant. Combien il devait s’en repentir sans tarder ! A peine de retour chez lui, il se sentit mal à l’aise.

Le lendemain, il lui sembla que sa poitrine était enflée. Avant la fin de la semaine il lui était venu tant de lait, tant de lait, qu’il était obligé de se traire trois fois par jour. Tout inquiet, il se rend chez le médecin : – Monsieur le médecin, donnez-moi un remède pour faire passer mon lait! – Ton lait, nigaud! que me dis-tu là ? Quand on porte, comme toi, de la barbe au menton, on n’a pas de lait. – J’en ai pourtant, regardez ! – C’est, ma foi, vrai ! Voilà cinquante ans passés que je soigne les gens pour toutes sortes de maux, et je n’avais jamais vu pareille chose. Tiens, prends cette fiole.

Sept jours après, loin d’être guéri, le malheureux avait plus de lait qu’avant d’avoir fait usage du remède. Il va trouver une sorcière renommée et lui conte son embarras. – Je n’ai jamais ous parler de pareille chose, filleul ! – C’est pourtant vrai, regardez ! – Oui, sûrement tu as du lait; c’est inconcevable. – Elle se gratte le menton et reprend, après une pause assez longue: – Ton mal passe mon pouvoir; va frapper à une autre porte!

L’oreille basse, il se rend au presbytère. – Monsieur le curé, délivrez-moi ! – Et de quoi te délivrerais-je ? – J’ai du lait comme une vache, tout le monde se moque de moi. – Ce que tu me dis là n’est pas naturel; il faut que je t’entende en confession.

La confession achevée, le curé lui ordonne de se rendre le jour même à Trégurun, pieds-nus, une baguette de saule écorcé à la main, et de refaire par dévotion tout ce qu’il avait fait par raillerie, quelques semaines auparavant. – A chacune des épingles que tu jetteras dans la fontaine, tu diras : « Que je sois guéri, bonne dame, si telle est votre volonté! » – Et maintenant, va, et que Notre-Dame te protège. Si tu as un véritable repentir de ta faute, nous le verrons bien.

Le pauvre cher homme avait le cœur vraiment contrit, et, comme il suivit de point en point les instructions de son curé, il obtint merci et prompte guérison.


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