Si vous vous longez le Prunelli à Bastelicaccia, peut-être trouverez-vous quelques pierres empilées formant un vieux mur, et, au milieu de celui-ci, vous y découvrirez un trou noirci par le feu. Autrefois, ici, se trouvait l'u mulinellu, c'est-à-dire "le petit moulin". Laissez-moi vous conter l'origine de ce mystérieux vestige.

Nous sommes en hiver et la nuit est tombée depuis plusieurs heures. Autour du feu, la famille du meunier est installée, comme à l'accoutumée, pour profiter de la douce chaleur des flammes. C'est alors qu'un visiteur se fait entendre à la porte du moulin. Il s'agit d'un voyageur tout de noir vêtu, accompagné seulement de sa jument. Celui-ci explique que, surpris par la nuit, il cherche un abri jusqu'au lendemain. Évidemment, on l'accueille chaleureusement, on lui fait une place près de feu et on lui propose de quoi se restaurer.

Pendant ce temps, le plus jeune des enfants va installer la jument du voyageur à l'écurie. Alors qu'il pénètre dans la bâtisse, la jument se met à parler. Vous imaginez la surprise de l'enfant devant un tel prodige ! Celui-ci fut d'autant plus surpris quand la jument lui expliqua son histoire : -" Mon petit, je suis ta grand-mère. Et si tu me vois ainsi en jument, c'est que le diable, mon maitre, m'a transformé ainsi pour me punir de mes agissements. J'ai longtemps fraudé lors de la pesée de la farine à l'aide d'une balance volontairement faussée. Ma punition fut de servir le malin sous cette forme. Et si nous sommes ici ce soir, c'est pour enlever l'un d'entre vous. Pour l'amour de ta famille, rentre immédiatement au moulin, fais le signe de la croix et récite le Pater Noster.

Ainsi fut-il fait prestement par le jeune garçon, qui à peine la prière débutée, vit le Diable, entouré des flammes de l'enfer, hurler de toute sa rage et traverser le mur de la bâtisse.

Jamais on ne put reboucher le trou dans le mur du moulin et jamais on ne put non plus enlever les traces de brulure autour de l'orifice.