La légende de la colonne de Saint Zenobe de Florence [Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie]

Publié le 27 octobre 2025 Thématiques: Arbre , Croix , Fleur , Miracle , Mort , Origine , Procession , Saint | Sainte , Saint Zenobe ,

Colonne de saint Zénobe
Colonne de saint Zénobe. Source Sailko, CC BY 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/3.0>, via Wikimedia Commons
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Source: Leland, Charles Godfrey / Legends of Florence: Collected from the People, Volume 2 (1896) (4 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Colonne de saint Zénobe / Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie

Quiconque a visité la cathédrale de Florence a remarqué l’antique colonne, solennelle, étrange et grise, qui se tient depuis tant de siècles entre elle et l’église-baptistère de Saint-Jean, et a lu dans les guides qu’un arbre desséché se trouvait jadis là, lequel reprit sève et bourgeonna au contact du corps de San Zenobio ; plus exactement, qu’« au nord du Baptistère se trouve la colonne de San Zenobius, un fût de marbre cipollino, veiné, érigé au XIVᵉ siècle pour commémorer un miracle dit s’être produit lors de la translation de ses reliques — le tronc d’un arbre desséché, touché par sa bière, avait jailli de feuilles ». La colonne elle-même est toutefois d’époque plus ancienne, et remonte probablement aux soi-disant Âges sombres, où les Lampes de l’Architecture brillaient d’un éclat auquel, comparés, ceux de notre temps ne sont que chandelles de suif affrontant une lampe électrique de première classe.

« Malgré la marche prodigieuse de l’esprit,
les Arts, semble-t-il, traînent bien derrière. »

Pour ce qui est de la colonne de San Zenobio, il intéressera peut-être le lecteur d’apprendre toute l’histoire, telle qu’on la raconte parmi le peuple, et que je traduis ici mot à mot :

« Devant la belle église de Saint-Jean, ou près de la porte du Baptistère, il est une colonne de vieux marbre, ceinte d’un cercle de fer ; tout autour sont des décorations (scherzi) et de petits fers fourchus, et, avec eux, un arbre feuillu, également en fer.

« Cet arbre de yeuse (albero di leccio) poussait jadis à l’endroit même où se dresse la colonne ; et San Zenobio, qui sortait chaque soir se promener, au retour se reposait toujours dessous, et l’aimait tant qu’il disait souvent : “Quand on me portera en terre, je veux que le cortège funèbre s’arrête ici, en chemin, pour se reposer.”

« Avec le temps, San Zanobio tomba malade et resta alité le jour ; mais, chaque soir venu, il reprenait force et sortait marcher, puis allait se reposer sous son arbre.

« Tous ceux qui voyaient cela s’étonnaient qu’un homme, si malade qu’il ne pouvait se tenir debout, redevînt, tous les jours à heure fixe, si vaillant qu’il marchait aussi légèrement que s’il n’avait jamais connu la maladie.

« À la fin, son heure de mort approcha ; et, tandis que le saint rendait l’âme, toute la chambre où il gisait se remplit de jasmins : ni les murs ni les meubles n’étaient visibles tant il y en avait ; le sol en était couvert, et, quand on marchait dessus, ils ne se flétrissaient pas, ni ne fanaient. Tout le lit devint un amas de jasmins ; et, quand on dut l’emporter, on souleva cette couche, et c’est ainsi qu’on le porta.

« Lorsque le convoi funèbre parvint à l’arbre, le saint se releva, ranimé, et alla s’asseoir au pied du tronc.

« Comme c’était le cœur de l’hiver, les branches étaient nues ; mais, à son approche, l’arbre se couvrit de feuilles. Et le saint dit :

“Ici, sur cette place, l’arbre ne poussera plus ;
et pourtant, sur cette place, l’arbre sera toujours.
Car il se rétractera, et, se rétractant, durcira,
ainsi que l’eau se resserre quand elle devient glace.

Et il se changera en arbre de fer,
et là où il a crû s’élèvera une colonne,
en mémoire de toutes ces merveilles accomplies.
Placez au sommet une sainte croix ;
et autour, qu’il y ait un cercle de fer,
avec des ornements de fer, et, au milieu,
ce prodigieux arbre de fer — et non plus de bois.

Et il adviendra que quiconque
se verra, lui ou ses enfants, rongé par la sorcellerie,
ou sentira le péché noir aux prises avec son âme,
se jugeant, dans un profond désespoir, damné,
trouvera dans cette colonne un remède,
et sera rendu à la santé et au bonheur.” »

« Ainsi parla San Zenobio.

« Et tout arriva comme il l’avait dit : l’arbre devint une branche de fer, telle que nous la voyons ; la colonne fut dressée ; tout ce que San Zenobio avait prédit se vérifia, et l’on croit qu’il se promène encore, le soir, près de la colonne, mais que, depuis ce temps, nul ne l’a plus vu.

« Quand des gens croient qu’eux-mêmes ou leurs enfants sont ensorcelés, comme il arrive encore parfois — come cene sono ancora — ils doivent prendre une branche, feuillée, et aller à la colonne ; l’embrassant, ils diront :

« Saint Zenobio bienheureux,
par l’amour que jadis
tu portais à cet arbre béni,
j’apporte ici une branche pour toi.
Si, approuvant mon dessein,
tu veux m’accorder une faveur,
en simple signe d’amour,
fais, je t’en prie, trembler ce cercle ;
et, tandis que je fléchis au pied de ton autel,
que je le voie s’agiter et luire.
Fais partir les mauvais esprits
qui depuis si longtemps me tourmentent,
ou quel qu’il soit
qui a jeté sur moi le mauvais sort :
quoi que ce soit, car chacun dit
que ton pouvoir peut l’éloigner au loin. »

« Ayant dit cela, on doit rester une heure serré contre la colonne, puis s’en aller sans jamais regarder en arrière. »

L’histoire nous apprend, à vrai dire, que ce miracle de l’arbre desséché eut lieu non lors des premières funérailles du saint, mais au cours de la translation ultérieure de son corps de San Lorenzo à San Salvatore. Mais, comme le remarque irrévérencieusement un ami, « quelques erreurs de plus ou de moins dans la vie d’un saint n’ont guère d’importance ». L’étreinte de la colonne — qui est probablement un vieux reliquat païen du temple de Mars ou du Baptistère — a un charme très païen, tout comme l’injonction finale : après un tel enchantement très païen, il faut s’éloigner senza però voltarsi mai addietro — « sans jeter un seul regard derrière soi » — exactement comme le prescrivent Virgile et Théocrite après la conclusion d’une cérémonie semblable.


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