La légende du faune de la fontaine et du marchand de vin [Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie]

Publié le 31 octobre 2025 Thématiques: Eau , Fontaine , Lutin , Soif , Statue , Statue faisant des mouvements , Transformation , Vin ,

La fontaine du faune
La fontaine du faune. Source ChatGPT
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Source: Anonyme / Legends of Florence: Collected from the People, Volume 2 (1896) (4 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Une petite place sur la via Guicciardini / Firenze / Città Metropolitana di Firenze / Italie

« Quand on franchit le Ponte Vecchio et qu’on entre dans la via Guicciardini, on trouve, sur la droite, une petite piazza, où, contre le mur, se voit une gracieuse fontaine avec une belle figure de bronze. C’est la statue enchantée d’un faune (fauno), l’un de ces folletti ou lutins qui servaient Bacchus, le dieu du vin. Souvent espiègles et farceurs, prompts à taquiner les hommes et à embrasser les filles, mais non méchants ; ils vivaient surtout dans les bois, mais venaient la nuit dans les vignes pour voler du raisin — ou des demoiselles ; et leur maître les punissait parfois pour cela.

L’image domine l’eau courante ; il tient une coupe d’une main et une grappe de l’autre. Mais autrefois, il était posé autrement, et le faune n’avait ni coupe ni grappes.

C’était un follet ou esprit qui, pour quelque faute, avait été enfermé dans la statue, ou changé en statue. Car de ces images antiques, certaines furent faites par des hommes, puis des esprits y entrèrent — ou on les y plaça pour y vivre —, tandis que d’autres furent des esprits, ou des humains, changés en pierre ou en fer. Les uns pouvaient entrer et sortir, comme des chiens de leur niche ; d’autres étaient clos et seulement autorisés à errer de temps à autre, à la pleine lune ou la veille de la Saint-Jean.

Mais ce faune était un follet confiné en statue — folletto confinato in statua —, et, pour comble, il souffrait d’une soif continuelle, sans pouvoir l’étancher, tandis que l’eau fraîche coulait à ses pieds. Ses bras étaient alors levés, sa tête aussi, comme celles d’un homme qui souffre et implore (alzate in attitudine molto soffrente e disperato).

Une nuit, passa devant la statue un joyeux contadino avec une charrette de raisins et un baril de bon vieux vin. La lune était pleine, les rues désertes — tout silencieux —, et c’était justement le moment où le faune pouvait parler, comme tous les esprits, en cette période où tout le monde croyait aux esprits.

Le paysan était un peu éméché, pour avoir un peu trop souvent tiré un verre au baril en chemin ; il était d’humeur la plus bienveillante, se sentant prêt à régaler le monde entier, quand il s’arrêta devant l’image.

Or, si le faune souffrait sans cesse de manquer d’eau, alors qu’elle s’enfuyait sous ses yeux, imaginez son supplice quand il vit le contadino, sa charge de raisins, s’arrêter juste devant lui, tirer dans une coupe et boire une large lampée de bon vin. Sa peine fut si intolérable qu’avec cela la mesure de son châtiment fut comble ; il laissa alors monter du fond du cœur cette prière :

À Bacchus
« Esprit de Bacchus, je te conjure,
Toi qui es un esprit, mon frère aussi !
Accorde-moi pouvoir t’honorer bien,
Accorde qu’à nouveau je boive pour toi
Et que le breuvage soit vin véritable.

Esprit de Bacchus, je te supplie !
Fais que ce contadino m’accorde
Une grappe ; donne-moi le pouvoir
D’en tirer à nouveau le vin de vie,
Comme nous le faisions jadis. »

Le contadino s’était arrêté à la fontaine pour varier le vin d’une gorgée d’eau fraîche. Regardant le faune, les bras levés, le visage suppliant et souffrant, il s’exclama :

— « Pauvre âme ! Qu’attends-tu, que veux-tu ? »
— « Je souffre de soif et de faim », répondit le faune.
— « Prends donc cette grappe, dit le paysan, et ma coupe avec ; tu boiras à satiété ! »

Alors le faune prit la coupe, pressa la grappe, dont le jus remplit la coupe et devint vin des meilleurs ; il en but, rit, et dit :

« Me voici en paix, enfin libre !
Bois de ce vin et bois à moi !
Maintenant je puis voler où je veux,
Par prairies et vallées, rivières et collines,
Me cacher aux grottes vieilles et fraîches,
Me baigner au bois dans le ru froid ;
Car j’ai goûté le sacré vin — je suis libre,
Grâce à Bacchus, grâce à toi ;
Goûte toi-même, et il sera ainsi
Que chagrin ni souci ne te connaîtront. »

Le contadino but dans la coupe, e fu felice e benglieto per tutta la sua vita — il fut heureux et gai tout le reste de ses jours.

Ainsi advint-il que le faune changea de posture : il tient désormais une coupe d’une main et une grappe de l’autre.

Or, si une jeune fille boit l’eau de cette vieille fontaine de bon cœur, elle aura assurément un amant dans le mois. Pour ce faire, il faut qu’elle boive la nuit et qu’elle dise :

« Fauno, per quanto ai sofferto,
Ai trovato un contadino;
Che ti ha ben aiutato
Ed io sofro,
Perché non trovo
Un amante. Ti scongiuro
Di farmelo trovare
Tempo un mese,
Se questa grazia mi farai,
La tua tazza di vino empiro:
Eviva, Bacco, lo dirò ! »

Traduction :

« Faune, toi qui tant souffris,
Tu trouvai(s) un paysan
Qui t’aida bien.
Moi aussi je souffre,
Car je ne trouve pas d’amant.
Je te conjure :
Fais que, d’ici un mois,
J’en trouve un !
Si tu m’accordes cette grâce,
Je remplirai de vin ta coupe,
Et je crierai : Evviva, viva, viva Bacco ! »

Cette eau est aussi excellente pour redonner santé aux personnes faibles ou nerveuses ; on la mêlera, pour elles, avec un peu de vin ; à ceux qui ne peuvent venir à la fontaine, on peut la faire porter en bouteilles : elle aidera tous ceux qui la boiront avec foi et rediront dévotement l’incantation. Mais ceux qui s’y risqueraient sans croyance n’attireront sur eux que du mal, ou le contraire de ce qu’ils demandent. »


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