Rô était un être fantastique, ayant des formes animales, mais une intelligence presque humaine.
Il faisait sa nourriture des êtres de la région, préférablement des hommes, auxquels il tendait des pièges.
Ce monstre répandait la terreur dans le voisinage et nul n'osait s'attaquer à lui.
La côte était d'ailleurs couverte de forêts impénétrables où il trouvait de sûres retraites, ainsi que dans des cavernes creusées en forme de puits au milieu des rochers de la côte.
Les flots amènent un jour une barque montée par sept héros idolâtres. A leur vue la bête frémit de rage et d'effroi. Mais rompue aux dangers et les méprisant, elle veut faire face à la mort. Reculant toujours ainsi en regardant ses adversaires, elle se trouve acculée au Pont-de-la-Pierre.
Là sept flèches l'atteignent. Deux lui percent les yeux, deux autres les oreilles, deux se logent dans les narines. La septième vient clouer les lèvres de la bête qui, rendue furieuse par son impuissance, pousse d'effroyables hurlements.
On voyait encore, il y a un certain nombre d'années, sur la pointe du Chai, rongée de temps immémorial par la mer, sept pierres de granit disposées en cercle autour d'une cavité arrondie dont on ne connaissait pas la profondeur.
Ces pierres servirent de sièges de justice aux sept guerriers. L'animal Rô, privé de tous ses sens, fut contraint par ses juges de se réfugier dans cette profondeur insondable, et fut condamné par eux à demeurer là jusqu'à la fin des temps.
Quand Rô hurle vers le sud, Maumusson est bouleversé ; quand il envoie vers le nord ses cris de rage, c'est le gouffre de Chevarache, dans le pertuis Breton, qui soulève ses vagues profondes.
Il est heureux pour nos îles, qu'il ne se tourne pas vers l'ouest, d'où sont venus ses juges et ses ennemis, les îles s'envoleraient en poussière.