Lorsque saint Géry eut fini de noyer le dragon, il s'en revint vers la colline où fut construite plus tard l'église de Saint-Michel. Une petite chapelle s'y trouvait déjà, dit-on. En chemin, saint Géry fut rencontré par un ouvrier qui lui raconta sa lugubre histoire.
Cet ouvrier, qui travaillait le fer, avait un jour, en passant devant la chapelle, négligé de saluer l'image du saint qui s'y trouvait. Il avait immédiatement été puni de ce vilain acte, et son bras qu'il n'avait pas voulu lever s'était recourbé en arrière. L'ouvrier en avait perdu l'usage.
Il y avait trois ans que cela était arrivé, et depuis trois ans le malheureux ne pouvait plus travailler. Il désespérait de jamais voir finir son infirmité quand on lui apprit l'arrivée de saint Géry. Il alla à sa rencontre et lui conta le fait.
L'évêque, toujours charitable, tenta par ses prières de fléchir la colère du saint, et, tandis que l'ouvrier allait faire ses oraisons dans sa cabane située non loin de là, il se mit à genoux devant la chapelle. Croyant que ses gens l'avaient suivi, sans se retourner il tendit sa crosse d'évêque pour que quelqu'un s'en chargeât. Mais il était seul, et la crosse allait infailliblement tomber lorsqu'un ange la retint.
Au bout de quelques instants, l'ouvrier, qui était toujours dans sa cabane, sentit que son bras était guéri. Il sortit, et quelle ne fut pas sa stupéfaction de voir la crosse de l'évêque se maintenir toute droite sans aucun secours, car l'ange était invisible !
Puis l'évêque se releva, se retourna et comprit.
Il baisa la main invisible de l'ange invisible, qui s'en alla en laissant flotter dans l'air un vague parfum.
Or, cet ouvrier habitait un petit chemin de terre près de la plaine Sainte-Gudule, qui, la suite, fut appelé Kromme Elleboog straat ou rue du Crombras, aujourd'hui la rue du Coude, à cause du fait que je viens de relater. Quant à saint Géry, voulant donner raison à l'archevêque de Trèves, il demeura à Bruxelles et y mourut le 11 août 619. Une église lui fut dédiée.