Parmi les légendes de la cathédrale, il n'en est pas de plus poétique que celle qui représente l'architecte Erwin de Steinbach assisté dans son œuvre par sa fille Sabine, la statuaire. Selon la tradition, le génie du père avait conçu le plan de l'édifice et le talent de la fille avait contribué à son ornementation. Ayant appris à manier le ciseau dans l'atelier de son père, Sabine, pénétrée de l'idée religieuse de son temps, s'exerçait à tailler dans la pierre dure des Vosges la figuration des symboles chrétiens. C'est elle qui sculpta les statues décoratives du portail méridional, où l'on voyait les douze apôtres la tête entourée du nimbe sacré; Salomon tenant à la main le glaive de justice; au-dessus de lui, la figure resplendissante du Christ; plus loin, la mort, les funérailles, l'assomption et le couronnement de la Vierge, et aux extrémités, se faisant face, l'Église et la Synagogue avec des attributs attestant la victoire de l'Évangile sur la loi de Moïse.
De tout ce merveilleux décor, il ne reste plus grand'chose. Le marteau révolutionnaire a dépeuplé la cathédrale de la plupart de ses statues. Et, ce qui est plus triste encore, l'érudition des historiens a fourni la preuve que Sabine s'appelait Savine; qu'elle n'était pas la fille d'Erwin; qu'elle a vécu un siècle avant lui... et ainsi disparaît la plus gracieuse des légendes !