La légende du Rocher de Madame de Cormon [Haybes (Ardennes)]

Publié le 28 juin 2023 Thématiques: Accident , Animal , Château , Cheval , Guérison , Mort , Noblesse , Origine d'une trace dans la roche ,

Rocher Madame de Cormont
Rocher Madame de Cormont. Source geocaching.com
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Source: Meyrac Albert / Traditions, légendes et contes des Ardennes (1890) (2 minutes)
Lieu: Rocher de Madame de Cormont / Haybes / Ardennes / France

Vers la fin du dix-septième siècle vivait à Haybes-sur-Meuse un riche seigneur, riche s'il en fût, car tout Haybes lui appartenait. Il se nommait M. de Cormon et habitait avec Mme de Cormon dans son château dont il ne reste plus aujourd'hui que les murs et qu'il avait fait bâtir au sommet de la colline sur laquelle va s'étageant une partie du village. Et flanquée à l'un des coins du château, prenant pied dans une cour où l'on n'entrait qu'en passant sous une lourde porte cochère assez basse, une tourelle appelée la prison sans doute parce que M. de Cormon était le geôlier en même temps que le justicier de ses vassaux.

Malgré leurs immenses richesses, M. et Mme de Cormon n'étaient pas heureux. Pourquoi? Sans doute parce que le bonheur ne se peut acheter. Dans ce manoir si somptueux il n'y avait que tristesse, si bien que Mme de Cormon, sans cesse rudoyée par son mari, passait tout le long du jour à « larmoyer moult fort » comme on le dit encore, de nos jours, à Haybes où cette légende ne sera bientôt plus qu'un vague, très vague souvenir.

Un matin, contre son habitude, le sire de Cormon fut aimable. Il proposait à Mme de Cormon, toute joyeuse, d'accepter une promenade à cheval dans la forêt. Son seigneur allait-il donc s'humaniser pour elle? Ils montèrent alors à cheval, la femme, selon la monde du siècle, s'étant mise en croupe derrière son mari. 

Au moment où ils allaient franchir la porte cochère, M. de Cormon, en même temps qu'il baissait vivement la tête, éperonnait son cheval qui bondit et, d'un saut, se trouva hors la cour. Mais Mme de Cormon, n'ayant pu se baisser assez vite, frappait violemment de la tête contre l'épaisse barre de fer servant de poutre à la poterne, tombait ensanglantée, évanouie... et M. de Cormon, donnant plus fort de l'éperon à son cheval, disparaissait en une course  vertigineuse dans le fond du bois.

Oncques on ne le revit à Haybes. Elle revint à elle, Mme de Cormon, et, après une longue fièvre, après de longs délires, put, enfin, être rappelée à la vie par ses vassaux dévoués. Mais toujours languissante, toujours larmoyante, elle quittait ce monde, qui pour elle avait été si sombre, le 29 mars 1729, à l'âge de soixante-quinze ans, ainsi qu'il est dit sur sa pierre tumulaire que l'on voit dans l'église d'Haybes.

Elle laissait, en mourant, tout son or aux pauvres de la commune et à l'église où l'on dit encore, en l'an de grâce 1890, des messes pour le repos de son âme. Ses fermes, ses bois, elle les donnait au prieuré des Jérômistes de Diversmont qui lui firent élever une chapelle, en pleine forêt, et où l'on arrivait par un petit sentier qui porte toujours le nom de : Sentier de Cormon.

Cette chapelle fut brûlée pendant la période révolutionnaire, si bien qu'il n'en reste plus trace, et les fermes, dépendantes du prieuré, devinrent biens nationaux.

Mais la légende raconte que pendant l'incendie se grava sur un rocher, faisant face à la chapelle, la figure de Mme de Cormon voulant ainsi protester contre un pareil vandalisme. Et sur ce rocher dit La pierre de Cormon, que ne manquent pas d'aller voir les touristes en excursion dans notre belle vallée de la Meuse si bien appelée « une petite Suisse, » on distingue encore, en effet, de nos jours, et très nettement, un fin profil de femme, au nez aquilin, à l'oeil très doux et coiffée à la mode du temps.


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