C'était la veille de la Saint-Michel, par une de ces matinées sombres si communes dans nos montagnes et qui annoncent que la neige est au ciel : per la Saint-Micha l'eivar i au cha, deux voyageurs d'assez mauvaise mine cheminaient par la route qui conduit de Champétières à Sauxillanges. Arrivés près d'un carrefour d'un petit bois qui bordait le chemin, ils parurent distraits par le croassement de quelques corbeaux qui étaient perchés sur des arbres voisins. « Tiens, dit l'un d'eux à l'autre à voix basse et regardant autour de lui avec précaution, c'est bien singulier, il semble que ce sont les mêmes corbeaux qui étaient là quand nous assommâmes ce coquin de marchand de fil, à pareil jour et par un temps semblable. Fort heureusement que ces vilaines bêtes crient, mais qu'elles ne parlent pas. »
Un berger qui s'était abrité derrière un rocher qui le cachait à tous les yeux, entendit ces paroles et se hâta d'en aller donner avis aux hommes de justice. On courut après les deux étrangers qui, dans un moment de surprise et d'effroi, se coupèrent dans leurs réponses et finirent par avouer leur crime. Il y avait près de vingt ans que ce meurtre, qui avait causé une grande sensation dans le pays, avait été commis, sans qu'on eût pu en découvrir les auteurs, furent enfin condamnés à mort et exécutés.
On le voit, quand le temps de la justice divine est arrivé, son tribunal est bientôt dressé, les coupables s'y rendent eux-mêmes sans citation préalable et à leur insu; ils y trouvent les témoins qui les accusent, les juges qui les condamnent et la punition de leurs crimes.