La légende du sabbat du bois d'Orville [Orville (Pas-de-Calais)]

Publié le 30 janvier 2023 Thématiques: Diable , Livre , Prêtre | Curé , Sabbat , Sorcellerie , Sorcier , Sorcière ,

Sabbat dans la foret
Sabbat dans la foret. Source Midjourney
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Source: Carnoy E. Henry / Littérature orale de la Picardie (1883) (2 minutes)
Lieu: Forêt d'Orville / Orville / Pas-de-Calais / France

Dans le bois d'Orville, près de Thièvres, se trouve un espace d'environ cinquante ares de superficie et de forme circulaire, et dont la végétation contraste fortement avec celle du reste du bois; quelques bouleaux rabougris et quelques genêts seuls poussent dans cet endroit maudit près duquel est une petite mare remplie d'une eau toute croupie. Ce lieu est désigné par les paysans des environs sous le nom de « Bois aux Fées. » Voici ce que l'on raconte sur cette partie du bois :

Il y a fort longtemps, chaque samedi soir, les fées et les sorcières avaient coutume de s'y réunir de fort loin pour y fêter le grand Sabbat. Dès que la nuit commençait à tomber, les sorcières arrivaient la lanterne à la main et montées sur un manche à balai en guise de cheval. On s'assemblait autour de maître Satan et chacun racontait les événements de la semaine ou narrait à l'avance les expéditions projetées. Après le conseil, la danse commençait pour ne finir qu'au matin. Ce moment arrivé, les rondes cessaient, les sorcières prenaient leurs livres d'enchantements déposés dans les buissons; puis elles retournaient auprès de leurs maris endormis qui ne se doutaient de rien.

Mais un jour, il arriva qu’un paysan ayant remarqué la lueur bien connue des lanternes dans le bois d'Orville, la fantaisie lui prit de savoir à quoi s'en tenir sur ces lumières et en même temps sur les assemblées des fées et des sorcières.

Il fit le tour du bois et y étant arrivé, il se glissa en rampant dans les broussailles jusqu'à ce qu'il se vit auprès des sorcières. Tapi dans un buisson, il put examiner à loisir l'assemblée réunie par le Diable. Parmi les danseuses, il remarqua l'une de ses voisines du village et il l'entendit raconter à Satan qu'elle avait jeté un sort sur les bestiaux d'Orville, afin de se venger du nom de sorcière que lui avait donné cet homme; elle ajouta que les bestiaux en étaient morts aussitôt. Les sorcières s'étant avancées de son côté, le paysan dut s'éloigner quelque peu toujours en rampant; tout à coup il sentit un livre sous sa main: -« C'est sans doute un livre de sorcière, » pensa-t-il; et il le ramassa et le mit dans sa poche. En ayant assez vu, il sortit du bois comme il y était entré et reprit le chemin du village. Mais là, il ne put se rappeler quelle était la voisine qu'il avait vue au Sabbat. Ayant cherché inutilement, il ne s'en préoccupa plus et alla montrer son livre au curé. Celui-ci l'ouvrit et n'y vit que des feuilles de papier blanc.

-« Ce livre est un livre de magie, dit le curé au paysan; les sorciers et les démons seuls peuvent y lire des choses que nous n'y voyons point. Il te faut samedi soir reporter le livre aux sorcières, sinon il t'arriverait malheur. »

Au Sabbat suivant, le paysan retourna au Bois aux Fées, y trouva les sorcières qui l'accueillirent avec joie, leur rendit le livre et se retira. Jusqu'au bord du bois, les fées et leurs compagnes l'accompagnèrent en disant : -« Tu as bien fait de rapporter notre livre! Tu as bien fait ! Il t'en aurait coûté bien cher ! Tu as bien fait ! » Et puis ce furent de gros corbeaux si nombreux qu'on eût cru que tous les corbeaux des pays voisins s'étaient donné là rendez-vous - qui le suivirent jusqu'au village en croassant. Le paysan put rentrer chez lui sans autre incident.


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