Non loin de Miguillaume et sa bruyère inculte,
Que fréquente un essaim de femmes et d'enfants,
Conducteurs assidus de troupeaux mugissants,
Se trouve une fontaine objet d'un certain culte.

On dit qu'en cet endroit, près d'un lutin moqueur,
Venait gémir la nuit une fille fort sage,
Dont les riches parents, fermiers du voisinage,
Repoussaient l'union que projetait son coeur,

De lutter sans espoir n'ayant point la vertu,
Et voulant ne plus être en butte à ses alarmes,
L'inconsolable enfant s'élance, tout en larmes,
Pour terminer ses jours, dans l'étang de Tertu,

Lorsqu'une fée alors devant elle se dresse
Et lui fait à l'instant rebrousser son chemin,
Lui jurant et bien haut que de son proche hymen
De son père elle aurait la formelle promesse,

Mais à la condition qu'elle lui donnerait
De ses jolis cheveux une boucle si blonde
Qu'il n'en existait pas de pareille en ce monde,
Et que son amoureux en extase admirait.

Mais le jaloux, sitôt qu'il aperçoit sa belle,
Découvrant qu'elle avait une tresse de moins,
L'aborde furieux et lui montre les poings,
Puis la quitte en croyant qu'elle était infidèle.

La jeune fille, émue, en proie aux déplaisirs
Que lui fait éprouver cette affreuse injustice,
Fut se noyer, pour mettre un terme à son supplice,
Dans la fontaine encor qui pousse des soupirs.