La légende de la fée du Manoir de la Queurie [Écouché-les-Vallées (La Courbe),(Orne)]

Publié le 26 mars 2023 Thématiques: Agression sexuelle , Amour non partagé , Château , Disparition , Fée , Feu follet , Fleuve | Ruisseau | RIvière , Noblesse ,

La manoir de la Queurie
Milka-berger, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: de Lonlay Eugène (marquis) / Légendes Normandes (1872) (2 minutes)
Lieu: La Queurie / Écouché-les-Vallées (La Courbe) / Orne / France
Motif: F222: Le château des fées F230: L'apparence des fées F388: Départ des fées

Au centre d'une vaste et fertile prairie
Que l'Orne transparente encadre de ses eaux,
On découvre un manoir appelé la Queurie,
Dont le faite élevé domine les coteaux.

Sa tourelle n'a plus de jeune châtelaine
Qui fasse roucouler en rival du ramier
Le trouvère galant. Cet antique domaine
Est devenu l'abri d'un modeste fermier.

Saint-Roch de Menil-Glaise est dans son voisinage,
Et des processions y passent fort souvent :
C'est attrayant, de voir dans ce site sauvage
Flotter de tous côtés les bannières au vent.

Une fée habita jadis cette demeure,
Et son frais souvenir, rempli d'émotion,
Dans la riche contrée où le peuple la pleure
Reste encore un objet de vénération.

C'est qu'elle était, dit-on, aussi sage que bonne,
Cette fée étonnante au regard velouté,
Qui n'avait jamais fait de chagrins à personne,
Et dont l'air noble et fier n'était point redouté.

Elle ne mangeait pas, et tous les ans on pense
Dans le creux d'un vieux saule entouré de halliers
Qu'on mettait un pain d'orge, unique alors dépense
Que la fée exigeait de ses redevanciers.

Qu'elle était belle à voir, pour atteindre sa selle,
Glissant son pied mignon dans le large étrier,
Et du doigt enlevant sa cavale isabelle,
Que suivait son alerte et gentil lévrier!

D'un joyeux caractère et d'humeur vagabonde,
Dans l'ombre elle errait seule au bord des ruisseaux clairs,
Et tressait, en chantant, sa chevelure blonde,
D'où son peigne faisait jaillir de vifs éclairs.

De brillants cavaliers, éblouis par ses grâces,
En tristes soupirants s'attachaient à ses pas;
Leurs lèvres en secret en effleuraient les traces,
Mais aucun d'eux n'avait osé lui parler bas.

Pourtant, le fils du roi, tout en riant sous cape,
La saisit à la taille et cherche à l'embrasser;
Mais la fée, en colère, au visage le frappe
Et parvient aussitôt à s'en débarrasser.

La virginale fée, à tout amour rebelle,
Saute sur sa cavale et file comme un trait;
Afin de s'éviter une offense nouvelle,
En poussant un grand cri, dans l'Orne disparaît.

Le lendemain, quand l'aube illumina la rive,
Partout on la chercha, mais sans l'apercevoir,
Et, pour la retrouver, sa levrette craintive
En vain fouilla les coins et recoins du manoir.

Par les grandes chaleurs, la nuit, sur la rivière
On voit courir des feux en zigzags et par bonds :
Ce n'est pas d'un follet la tremblante lumière,
Mais bien la jeune fée aux brillants cheveux blonds.


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