La légende du dragon du château de Domfront [Domfront (Orne)]

Publié le 4 avril 2023 Thématiques: Château , Dragon , Fleuve | Ruisseau | RIvière , Jeune fille , Monstre , Monstre dompté , Mort , Noblesse , Pierre | Roche , Sacrifice , Saint | Sainte ,

Château de Domfront
rene boulay, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: de Lonlay Eugène (marquis) / Légendes du moyen-âge (1872) (2 minutes)
Lieu: Roches en face du château de Domfront / Domfront / Orne / France
Lieu: Château de Domfront / Domfront / Orne / France
Motif: B11.3.5: Le dragon sous la terre B11.4.1: Le dragon vole B11.10: Sacrifice d'un être humain au dragon B11.12.3: Dragon flamboyant

Orgueilleux à bon droit, le château de Domfront,
Quoique découronné, lève encore le front,
Et fièrement s'oppose à l'essor des orages.
Témoin de la valeur de nos preux chevaliers,
Et riche en souvenirs de leurs exploits guerriers,
Du moyen âge il eut les plus illustres pages.

Dans ce site escarpé que domine un plateau,
Renfermant dans son sein le glorieux tombeau
De héros qu'engendra l'amour de la patrie,
Guillaume de Talvas fit construire autrefois
Ce castel imprenable et qui mit aux abois
Tant d'ennemis ligués contre la Normandie.

Presque en face de lui, le regard ébloui
Par un vaste horizon, dont il est réjoui,
Admire la beauté d'un paysage immense.
C'est là, dans les rochers jusqu'au ciel entassés,
Sous d'épais églantiers aux buissons enlacés,
Qu'un dragon repoussant avait sa résidence.

Ce géant monstrueux, objet d'un juste effroi,
Même au cœur d'une armée eût fait trembler le roi,
Tant ses membres étaient dangereux et difformes.
De ses yeux menaçants jaillissaient des éclairs,
Et dès qu'on l'approchait, il lançait dans les airs
Un océan de feu par ses naseaux énormes.

Pour calmer les fureurs de l'exigeant dragon
Chaque jour humblement on lui faisait, dit-on,
D'une jeune beauté la séduisante offrande.
On la tirait au sort, et personne n'était
Exempt de cet impôt, qu'en tremblant prélevait
La superstition sur la race normande.

Guillaume de Talvas avait pour seule enfant
Une adorable fille, et toujours triomphant,
En faisait son orgueil et sa plus douce joie.
Mais de l'urne fatale aussi son nom sortit;
Elle fut désignée au vorace appétit
Du dragon affamé de si friande proie.

La malheureuse prit des vêtements de deuil,
Et de son beau domaine ayant franchi le seuil
Au supplice marchait, par le peuple escortée,
Quand un noble vieillard, à l'air bon, mais altier,
Arrête le cortège au détour du sentier,
Et de la vierge en pleurs se met à la portée.

Partageant sa douleur et son cruel souci,
L'inconnu lui demande : « Où marchez-vous ainsi,
Pâle et si désolée? — A la mort, répond-elle...
— Non, vous ne mourrez point, reprit-il doucement. »
Le sire de Talvas, frappé d'étonnement,
Sent son cœur se remplir d'une force nouvelle.

« Ah ! qui que vous soyez, si vous pouvez sauver
Ma fille, lui dit-il, je saurai vous prouver
Mon culte en vous donnant tout ce que je possède;
Je serai désormais votre humble serviteur.
— Non, pas le mien, répond le saint avec ferveur,
Mais celui du vrai Dieu, que pour vous j'intercède.

S'étant mis à genoux, l'ermite étend la croix
Qu'il tenait à la main, et d'une forte voix
Il invoque l'appui de son souverain maître
D'un air majestueux et d'un ton solennel,
Adjure le dragon, au nom de l'Éternel,
De sortir de son antre et pour en disparaître

Au même instant rugit l'animal irrité
Qui s'envola, mais fut du ciel précipité
Dans l'eau de la Varenne, où depuis il se cache.
Les flots, comme une trombe au souffle des autans ,
Tout à coup soulevés, bouillonnèrent longtemps,
Et du sang du démon conservèrent la tache.

Les assistants, touchés de ce qu'ils avaient vu,
Tombèrent aux genoux du puissant inconnu
Qui daignait les sauver du dragon redoutable.
Celui ci leur parla du Dieu qu'il adorait,
Et peu de temps après il les régénérait
Dans le christianisme, à la foi secourable.

Pour rappeler ce fait, on ne peut s'étonner
Talvas, converti, s'empressât de donner
Le nom du cénobite à sa ville naissante;
Et depuis cette époque elle a gardé le nom
De son libérateur, qui s'appelait Dom Front,
Et se montre envers lui toujours reconnaissante.


Partager cet article sur :