La légende de la fée du Gué de la Demoiselle [Courgeon (Orne)]

Publié le 22 février 2024 Thématiques: Dame blanche , Fantôme , Fée , Fleuve | Ruisseau | RIvière , Gué , Jouer des tours , Nuit , Paysan ,

Fée blanche au bord d'un ruisseau
Fée blanche au bord d'un ruisseau. Source Dall-E 3
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Source: Pitard, P. / Légendes et récits percherons (1875) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Gué de la Demoiselle ? / Courgeon / Orne / France

La vallée étroite partant de Mortagne pour se continuer vers Courgeon, est arrosée par la Chippe qui va se jeter dans l'Huisne à Comblot. Les bords de ce ruisseau, dont l'eau est utilisée par les tanneries qui se trouvent dans la partie basse de Mortagne, sont affectionnés, disent les riverains, par les revenants. La fée Lô surtout, semble de préférence venir s'y promener pour jouer de mauvais tours à ceux qui se hasardent à les côtoyer quand la nuit est venue.

Au mois de juin 1768, un jeune paysan des environs de Loisail, nommé Foucault, s'étant attardé dans un pré qui borde le ruisseau dont nous venons de parler, sur le territoire de la commune de Courgeon, aperçut, à un endroit où se trouve un petit gué, une lumière aux tons bleuâtres qui semblait voltiger au-dessus du lit du ruisseau. Etonné, il s'avança et vit, ou crut voir, une femme vêtue de blanc qui se promenait une lanterne à la main sur le rebord du pré. Tremblant de peur, car les revenants lui trottaient par la tête, et voulant néanmoins payer d'audace, il marcha quelques pas vers l'apparition et la somma avec insolence de s'en aller. Il avait à peine fini qu'il se sentit soulevé de terre (dit la chronique), et jeté au beau milieu des broussailles; en même temps la lumière disparut et il ne vit plus rien.
Il se tira des épines comme il put, non toutefois sans déchirer ses vêtements et s'égratigner la figure et les mains, et il se hâta de prendre la fuite.

Le lendemain à son réveil, il s'aperçut avec stupéfaction que ses cheveux, bruns la veille, étaient devenus blancs. Interrogé sur ce changement subit, il raconta ce qui lui était arrivé et, dans le pays, la fée Lô, déjà fort peu en odeur de sainteté, fut chargée d'un méfait de plus.

Au mois d'octobre suivant, un autre jeune homme allant à un rendez-vous d'amour et ayant besoin de passer au même endroit de la rivière, aperçut aussi la lumière qui avait tant effrayé Foucault. Plus brave que lui, il voulut voir de près ce que cela pouvait être. Avec toutes sortes de précautions il s'avança en longeant les haies et bientôt il crut apercevoir, comme tout le monde, la forme indécise d'une femme vêtue de blanc, mais, chose qui lui parut extraordinaire, à mesure qu'il marchait, la lumière s'éloignait; revenait-il sur ses pas, elle se rapprochait en dansant d'une façon bizarre.
Absorbé tout-à-fait par l'attention qu'il portait au fantôme, le paysan ne s'occupa plus des endroits où il posait les pieds; si bien que tout-à-coup, la terre manqua sous lui et il tomba tout de son long dans le ruisseau grossi par les pluies d'automne. Au rire moqueur qui accompagna le bruit de sa chute (dit toujours la chronique), il reconnut qu'il était dupe de la fée Lô. Il se retira de l'eau sans encombre, mais oublia ce soir là son rendez-vous.

Plus tard, d'autres personnes se laissèrent encore tromper de la même manière, ce qui fit que l'endroit où les apparitions avaient lieu, reçut et continua de porter le nom de Gué-de-la-Demoiselle. C'est encore sous cette dénomination que l'on connaît aujourd'hui ce passage, qu'en été l'on traverse à pied sec pour aller exploiter les prés bordant la Chippe.

Un grand nombre d'aventures sont encore arrivées en maint endroit du fait de la fée Lô, mais comme, à fort peu de chose près elles se ressemblent toutes, nous n'en parlerons que lorsqu'elles auront servi d'origine à un nom ou à un monument, ou qu'elles auront eu lieu dans des circonstances exceptionnelles.


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