La légende des fées du Knocksheogowna [Ballingarry (Munster / Irlande)]

Publié le 18 juillet 2023 Thématiques: Berger , Champs , Courage* , Fée , Nuit , Saut miraculeux , Transformation , Transformation en animal , Troupeau , Vache ,

Colline de Knockshigowna
Colline de Knockshigowna. Source Derk Ryan Bawn via The Tipperary Antiquarian
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Source: Crofton Croker, Thomas / Fairy Legends and Traditions of the South of Ireland (1838) (6 minutes)
Lieu: Knockshigowna Hill / Ballingarry / Munster / Irlande
Motif: F232.7: Les elfes n'ont qu'un demi-pouce F362.2: Les fées provoquent la folie F366: Les fées maltraitent le bétail F381: Se débarrasser des fées

Dans le Tipperary se trouve une colline avec l’une des formes les plus singulières du monde. À son sommet, elle arbore un pic comme un bonnet de nuit conique que vous auriez jeté négligemment sur votre tête au réveil. Sur la pointe même est construit une sorte de pavillon où, en été, la dame qui l’a bâti et ses amis avaient l’habitude de s’adonner aux plaisirs charnels ; mais c’était bien après l’époque des fées, et il est, je crois, maintenant abandonné.

Mais avant que le pavillon ne soit construit, ou que l’acre ne soit semé, il y avait près du sommet de cette colline un grand pâturage, où un berger passait ses jours et ses nuits parmi son troupeau. L’endroit avait été anciennement le domaine de fées, et ces bonnes gens étaient en colère que le lieu de leurs gambades légères et aériennes soit piétiné par les sabots grossiers des taureaux et des vaches. Le mugissement du bétail sonnait tristement à leurs oreilles, et la reine des fées de la colline décida de chasser les nouveaux venus ; et la façon dont elle y pensait fut la suivante.

Quand les nuits de la récolte arrivaient, que la lune brillait claire et lumineuse sur la colline, que le bétail était couché, calme et tranquille, et que le berger, enveloppé dans son manteau, méditait avec le cœur réjoui par l’admirable compagnie des étoiles scintillantes au-dessus de lui, elle venait danser devant lui, – parfois sous une forme – parfois sous une autre, – mais toutes laides et effrayantes. Une fois, ce fut sous la forme d’un grand cheval, avec les ailes d’un aigle, et une queue comme un dragon, sifflant fort et crachant du feu. Puis, en un instant, elle se transformait en un petit homme boitant, avec une tête de taureau, et une flamme jouant autour de lui. Puis en un grand singe, avec des pieds de canard et une queue de dindon. Mais je pourrais passer toute la journée à vous parler de toutes les formes qu’elle pouvait prendre.

Et puis, elle faisait ou hennir, ou siffler, ou beugler, ou hurler, ou hululer, des bêtes comme jamais encore on n’en a entendu dans ce monde avant ou depuis. Le pauvre berger se couvrait le visage, et appelait tous les saints à l’aide, mais cela ne servait à rien. D’un souffle, elle tempêtait sur le pli de son manteau, quand bien même il essayait de le maintenir fermement sur ses yeux. Et pas un saint du ciel ne lui prêtait la moindre aide. Et pour aggraver les choses, il se retrouvait complètement immobilisé et incapable de fermer les yeux. Il était ainsi obligé de rester là, tenu par une puissance inconnue, fixant ce terrible spectacle jusqu’à ce que ses cheveux soulèvent son chapeau à un demi-pied au-dessus de sa tête, et que ses dents soient prêtes à tomber à force de claquements. Pendant ce temps, le bétail courait en tout sens, comme s’il était mordu par un essaim de mouches ; et cela durait ainsi jusqu’à ce que le soleil se lève sur la colline.

Le pauvre bétail, par manque de repos, dépérissait, et la nourriture ne leur faisait aucun bien ; de plus, ils rencontraient des accidents sans fin. Il ne se passait jamais une nuit sans que certains d’entre eux ne tombent dans un trou, et ne se blessent, ou même, ne soient tués. Certains tombaient dans une rivière et se noyèrent : il semblait qu’il n’y aurait jamais de fin aux accidents. Mais ce qui aggravait encore la situation était que l’on ne pouvait plus trouver de berger pour garder le bétail la nuit. Une visite de la fée rendait presque fou même le plus courageux. Le propriétaire du terrain ne savait plus quoi faire. Il offrait le double, le triple, le quadruple du salaire, mais ne trouvait pas un homme prêt à affronter l’horreur d’avoir à faire face à la fée. Se réjouissant du succès de son projet, elle continuait ses farces. Le troupeau s’amenuisait progressivement, et aucun homme n’osant rester sur le terrain, les fées revenaient en nombre, et gambadaient aussi joyeusement qu’avant, buvant des gouttes de rosée dans des glands, et étalant leur festin sur la tête de champignons capiteux.

Que faire ? Le fermier perplexe réfléchissait en vain.

Il constatait que ses ressources diminuaient chaque jour, que ses gens étaient terrifiés, et que le jour du loyer arrivait. Il n’est pas étonnant qu’il ait l’air sombre, et qu’il marche tristement sur la route. À cette époque, dans cette partie du monde, vivait un homme du nom de Larry Hoolahan. Il jouait de la cornemuse mieux que tout autre joueur dans quinze paroisses. Un homme audacieux et volage, ce Larry, et il ne craignait rien. Donnez-lui beaucoup de liqueur, et il défierait le diable, il affronterait un taureau enragé, ou se battrait seul contre une troupe. Lors de l’une de ses promenades moroses, le fermier le rencontra. Sur la demande de Larry de connaître la cause de son air abattu, il lui raconta tous ses malheurs. "Si c’est tout ce qui te tracasse", dit Larry, "sois tranquille. S’il y avait autant de fées sur Knocksheogowna qu’il y a de fleurs de pomme de terre dans Eliogurty, je les affronterais. Ce serait une chose étrange, en effet, si moi, qui n’ai jamais eu peur d’un homme digne de ce nom, devais tourner le dos à un marmot de fée pas plus gros que le pouce"." Larry," dit le fermier, "ne parle pas si audacieusement, car tu ne sais pas qui t’entend ; mais si tu tiens parole, et que tu surveilles mes troupeaux pendant une semaine sur le sommet de la colline, je serai ton obligé jusqu’à ce que le soleil se soit consumé jusqu’à la taille d’une chandelle d’un farthing."

Le marché fut conclu et Larry se rendit au sommet de la colline lorsque la lune commença à apparaître. Il avait été bien nourri chez le fermier, et celui-ci avait était généreux avec l’extrait d’orge.

Il pris donc place sur une grosse pierre sous un creux de la colline, le dos au vent, et sortit sa cornemuse. Il n’avait pas joué depuis bien longtemps que la voix des fées se fit entendre, glissant sur le vent comme un lent courant de musique. Puis, elles éclatèrent d’un rire fort et Larry entendit clairement l’une d’elles dire : "Quoi ! Un autre homme sur l’anneau des fées ? Va à lui, reine, et fais-le se repentir de sa témérité ;" et elles s’envolèrent. Larry les sentit passer près de son visage en volant, comme un essaim de moucherons ; et, levant les yeux précipitamment, il vit entre la lune et lui un grand chat noir, debout sur la pointe de ses griffes, le dos dressé, et miaulant avec la voix grinçante d’un moulin à eau.

Rapidement, il gonfla vers le ciel, et tournant sur sa patte arrière gauche, il tournoya jusqu’à ce qu’il tombe au sol, d’où il se releva sous la forme d’un saumon avec une cravate autour du cou et une paire de nouvelles bottes hautes. "Continue, chérie" dit Larry ; "si tu danses, je jouerai de la cornemuse ;" et il commença à jouer : alors elle se transforma en ceci, et cela, et encore d’autres choses, mais Larry continua à jouer comme il savait bien le faire. Enfin, elle perdit patience, comme les dames le font quand vous ne faites pas attention à leurs réprimandes, et se transforma en un veau, blanc comme la crème de Cork, et avec des yeux aussi doux que ceux de la fille que j’aime. Elle s’approcha doucement et avec flatterie, espérant le prendre au dépourvu par sa tranquillité, puis lui faire du tort. Mais Larry ne fut pas trompé ; car lorsqu’elle s’approcha, lui, laissant tomber sa cornemuse, lui sauta sur le dos.

Au sommet de Knocksheogowna, lorsque vous regardez vers l’ouest vers le large Atlantique, vous voyez le Shannon, reine des rivières, "s’étalant comme une mer", et coulant doucement pour se mêler à l’océan à hauteur de la belle ville de Limerick. Elle brillait cette nuit-là sous la lune, et semblait magnifique depuis la colline lointaine. Cinquante bateaux glissaient de haut en bas sur le doux courant, et le chant des pêcheurs s’élevait gaiement depuis la rive. Larry, comme je l’ai dit auparavant, avait sauté sur le dos de la fée, et elle, ravie de l’occasion, sauta du sommet de la colline, et bondit, d’un seul saut, par-dessus le Shannon, qui coulait à seulement dix miles de la base de la montagne. Cela fut fait en une seconde, et lorsqu’elle atterrit sur la rive opposée, en donnant un coup de talon, elle y jeta Larry sur la douce pelouse. Dès qu’il atterrit, il la regarda droit dans les yeux, et se grattant la tête, lui cria : "Par ma parole, bien joué ! ce n’était pas un mauvais saut pour un veau !"

Elle le regarda un instant, puis repris sa propre forme. "Larry", dit-elle, "tu es un homme courageux ; tant que tu garderas les troupeaux sur cette colline, tu ne seras jamais importuné par moi ou les miens. Le jour se lève, descends voir le fermier, et dis-lui cela ; et s’il y a quelque chose que je puisse faire pour te servir, demande, et tu l’auras." Et sur ce, elle disparut et tint parole en ne revenant jamais la colline durant la vie de Larry, mais lui ne l’a jamais dérangé par ses demandes. Il jouait de la cornemuse, buvait aux frais du fermier, et se perchait sur son coin de cheminée, jetant occasionnellement un œil au troupeau. Quand il décéda, il fut enterré dans une verte vallée de l’agréable Tipperary : mais de là à savoir si les fées sont revenues sur la colline de Knocksheogowna après sa mort, c’en est plus que je ne saurais le dire.


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