Le 22 octobre 1421, sainte Colette, la célèbre réformatrice de l'ordre des Claristes, était à Neublans, allant de Poligny à Seurre, où l'attendait la duchesse de Bourgogne. P... de Baume, son confesseur, sœur Perrine, sa compagne, sept autres religieuses et un officier de la cour de Bourgogne l'accompagnaient. Elle se trouva arrêtée dans son voyage par les eaux enflées de la rivière du Doubs, qui ne permettait pas aux bateliers de la traverser. La Bienheureuse avait comme à son ordinaire, passé une grande partie de la nuit en oraisons. Le jour étant venu, elle recommanda à son confesseur de tout disposer pour le départ; et comme il lui exposait l'impossibilité ou du moins l'extrême danger de traverser le Doubs : « Danger! lui répondit-elle, et la Providence? La Providence qui nous a conduits vous et moi depuis tant d'années, à travers tant de périls!» L'officier de la duchesse, moins rassuré, promit de les suivre, mais seulement dans le cas où il n'y aurait pas trop de témérité à vouloir franchir l'obstacle. On descendit le côteau assez rapide au pied duquel coule la rivière. Colette marchait à la tête de la pieuse caravane. «< Où donc est la rivière? lui demanda sœur Perrine, cette rivière que l'on dit si grosse et que la barque ne passe plus? Allons toujours, lui répondit la sainte. »
Toute la troupe allait déjà sur l'eau et nul ne s'en apercevait, si ce n'est les paysans et les pontonniers qui, voyant nos voyageurs marcher sur les flots comme sur un chemin, poussaient des exclamations infinies.
« Qu'est-ce donc qui fait crier ces gens-là? demanda l'officier au confesseur. Je l'ignore, dit le Révérend Père. Ils craignent sans doute que nous n'allions de gaîté de cœur nous jeter au gouffre tout-à-l'heure.»>
Arrivés sur la rive droite, au Petit-Noir, les compagnons de Colette curent aussitôt les yeux dessillés, et ils virent la rivière qu'ils venaient de franchir à pied sec sans seulement y avoir pris garde. Colette se mit à genoux; les personnes qui l'accompagnaient suivirent son exemple et remercièrent Dieu de la faveur qu'ils venaient de recevoir. Les habitants du Petit-Noir, stupéfaits, accompagnèrent, par respect, l'illustre réformatrice jusqu'à une lieue de leur village, en se recommandant à ses prières.
Ce miracle a été raconté par Désiré Monnier, d'après les manuscrits de l'abbé de Saint-Laurent.