Au IXe siècle, la comté de Bourgogne était encore remplie de fées, fada, femmes des faids, druides de la seconde classe, de déesses maires, de dames blanches ou vertes, etc. Il ne faut point se jouer de ces dames, de quelque couleur qu'elles soient. L'histoire suivante ne le prouve que trop.
Près du village de Goux, situé à une lieue de Dole, est une fontaine qui dut être célèbre sous les druides, et que plus tard les romains consacrèrent à Diane. On voit encore, à quelques pas de cette fontaine, une colonne de granit égyptien et des fragments de mosaïque.
Mathieu de Goux, qui vivait dans le IXe siècle, se moquait des apparitions, des fées, des lutins, et surtout d'une méchante vouivre habituée à venir boire toutes les nuits à la fontaine du château. Son chapelain avait prédit que le diable finirait par jouer quelque mauvais tour à cet incrédule. Cette prédiction ne tarda point à s'accomplir. Un soir que le sire de Goux traversait la forêt de Chaux, il aperçut tout-à-coup un palais magnifique éclairé par plus de mille cierges. Ce château retentissait de cris de joie et de sons harmonieux. Le palefroi du chevalier prit le galop et ne s'arrêta qu'au pied d'un perron de marbre. Des jeunes filles reçurent Mathieu avec une grâce charmante et le conduisirent vers une dame qui effaçait en beauté toutes les nymphes de sa cour. Cette reine ou cette fée parut ravie de le voir et lui fit le plus doux accueil. Le preux en outre était ébloui du faste de ce pompeux séjour. Il n'apercevait que dorures, meubles rares, précieux tapis. Le sire de Goux et la dame soupèrent tête-à-tête, mangèrent à la même assiette et burent au même verre. La fée montrait beaucoup d'esprit et ne cessait d'agacer son jeune convive. Elle lui servait les meilleurs morceaux et lui versait les vins les plus exquis. Mais plus il mangeait et buvait, plus il avait faim et soif. On eut dit que ces mets et ces vins délicieux n'étaient que du vent. Mathieu, à la fin, eut honte de montrer un tel appétit. Il quitta la table, et, pour comble de félicité, la belle inconnue ne se montra point trop sévère. On leur apprêta un lit somptueux. Mais au point du jour, la faim, le froid et une odeur infecte réveillèrent le chevalier. Quelle fut sa surprise de se trouver sur un fumier nez à nez avec une vieille sorcière déterrée, que l'on avait pendue depuis plus de six semaines pour avoir fait maigrir un père bernardin, qui mourut de frayeur parce qu'il ne pesait plus que 270 livres.