Sur le sommet de la Waldrast, de mille pieds plus élevé que le col du Brenner, est un pèlerinage renommé, où le paysans tyroliens vénèrent une statuette de la sainte Vierge, taillée dans le mélèze. Selon la croyance populaire, cette statuette, telle qu'elle est, a poussé dans l'arbre de par la grâce céleste. Dans les vieilles chroniques tyroliennes est consignée tout au long l'histoire de ce miracle: un bon pâtre aperçut la statue de la sainte Vierge poussant sur le tronc d'un arbre le dimanche de Pâques de l'an 1407; on découpa la statue merveilleuse avec le plus grand soin et on la transporta dans l'église de Matrei, petit village sur la route du Brenner. Je ne sais au juste combien d'années la sainte Vierge y resta; mais, par une belle nuit d'été, un bûcheron eut une de ces visions, dont les montagnards tyroliens ont le privilège. En rêve ledit bûcheron vit devant ses yeux éblouis la sainte Vierge portant dans ses bras l'enfant Jésus qui lui ordonna de placer la statuette là-haut sur le pic dans une chapelle qu'on élèverait en son honneur. L'archiduc Léopold transforma au dix-septième siècle la modeste chapelle en un vaste couvent que les souverains d'Autriche dotèrent avec une grande libéralité.
L'affluence des pèlerins amena dans la contrée un certain nombre de voleurs, de vagabonds, en un mot, une respectable collection de vauriens qui firent de ce saint lieu un des points les plus mal famés du Tyrol, si bien qu'en 1785, sous l'empereur Joseph II, on se vit obligé de supprimer le couvent et de transporter la statuette miraculeuse dans le village de Mieders; elle y resta jusqu'en 1846 où, sur l'intervention des moines, le gouvernement autorisa la sainte Vierge à retourner sur le rocher. La translation de la statuette miraculeuse à son emplacement primitif fut une fête publique; des milliers de paysans, accourus des quatre coins du Tyrol, l'accompagnèrent de l'église de Mieders sur le sommet de la Waldrast qui, grâce aux gardes forestiers et à la gendarmerie, n'est plus, comme à la fin du dernier siècle, le rendez-vous des vagabonds.