Dans le Bas-Berry, vers le sud du département de l’Indre, les fées sont connues sous le nom de Fades, Fadées, Martes, Marses. Dans quelques régions pourtant, surtout dans l’arrondissement de La Châtre, on les appelle, comme dans le Midi, Dames, Demoiselles.
C’est principalement sur les bords pittoresques et sauvages de la Creuse, de la Bouzanne, de l'Anglin, du Porte-feuille, que leur souvenir s’est conservé le plus vivace. La, dans chaque grotte, sur chaque rocher, autour des nombreux dolmens et menhirs semés dans la contrée, on les voit errer et accomplir leurs rites mystérieux.
Une de leurs principales demeures est l’Aire-aux-Martes, dans la commune de Saint-Benoit-du-Sault, au pied du coteau de Montgarnaud. Là est une ravine, profondément encaissée, où le Portefeuille bondit avec fracas de rochers en rochers. Dans cette cascade pittoresque, quand les eaux sont basses, on distingue, au fond du ruisseau, arrondis et creusés dans le roc, le chaudron, le poêlon, les ustensiles en pierre servant à leur cuisine. Tandis que les mâles s’efforcent de poser sur ses supports la table inclinée du dolmen, les femelles essaient d’allumer du feu dans la cascade pour faire bouillir leur marmite de granit, et, impuissantes, font retentir les échos de leurs cris et de leurs vociférations.
Les Martes de Moutgarnaud sont de grandes femmes hideuses, décharnées, à peine vêtues, aux cheveux longs, noirs et raides, aux yeux de flammes, aux mamelles flasques, pendant jusque sur leurs cuisses. Du haut de la table d’un dolmen, du faite d’un menhir, elles appellent parfois, à la tombée de la nuit, les bergers et les laboureurs. Si ceux-ci ne se bâtent pas de répondre à leurs avances amoureuses, elles les poursuivent, en rejetant leurs seins par dessus leurs épaules. Malheur à celui qui ne fuit pas assez précipitamment et qu’elles contraignent à subir leurs baisers impudiques !
Leurs maris, frères ou amants, nommés aussi Martes ou Marses, sont des géants dont la force surhumaine est prodigieuse : ce sont eux qui ont apporté et dressé les dolmens et les menhirs. L’un d’entre eux, lorsqu’il fallut poser sur ses supports la table du dolmen de Montborneau, se vanta de pouvoir à lui seul soulever cette pierre immense ; mais les forces lui manquèrent, et, bien que ses trois compagnons soient accourus à son secours, il ne parvint même pas à lever le côté dont il était chargé aussi haut que les autres. Voilà pourquoi la table du dolmen de Montborneau est toujours restée inclinée.