Un jour d'automne, par un temps sombre et froid, une nacelle, qu'entraînait la marée montante, vint sous le château de Rieux s'échouer près de quelques femmes qui lavaient des linges. Dans cette nacelle, un pauvre enfant demi-nu, les larmes aux yeux et les mains jointes, dit à ces laveuses : « Au nom du bon Dieu, soulagez ma misère; donnez-moi un peu de pain, car j'ai faim, et quelques vêtements, car j'ai froid... » Mais ces femmes sans pitié crièrent à l'enfant : « Va, va, petit mendiant, notre ville a déjà trop de vagabonds... » Et elles repoussèrent la nacelle, que le flot, qui montait toujours, fit échouer cette fois tout près d'un petit village appelé Redon.
Là, d'autres laveuses, apercevant cet enfant presque nu, qui leur tendait des mains suppliantes, se sentirent émues de compassion, le prirent dans leurs bras et l'entourèrent de bons soins.
Tout-à-coup l'enfant grandit, et, prenant la douce figure du divin Sauveur, il dit à ces femmes émerveillées « Chacun doit être jugé selon ses œuvres : Rieux a repoussé et méprisé le pauvre que Redon vient d'accueillir et de secourir. Eh bien! Rieux s'appauvrira tous les jours d'un sou, et chaque jour Redon s'enrichirad'un sou. »
Il dit et disparaît; mais sa parole reste et s'accomplit.