Une jeune couturière des environs de Penmarc'h avait une grande dévotion pour l'Anaon. Un soir qu'elle rentrait de son travail à une heure tardive, elle entendit un remuement et comme des plaintes étouffées dans des broussailles qui bordaient le chemin. Elle demanda : « Qui est là? ». Personne ne lui répondit. Elle en conclut qu'il y avait là une âme en peine qui avait besoin de secours. Le lendemain, elle se rendit de bon matin à l'église et recommanda une messe « à l'intention de celle des âmes du purgatoire à qui il ne manquerait plus qu'une messe pour être sauvée. »
Il fut fait selon son désir.
Elle assista elle-même à l'office. Comme elle quittait l'église, elle rencontra dans le cimetière un jeune homme tout de blanc vêtu. Ce jeune homme l'accosta et lui dit :
— Vous êtes couturière de votre état, n'est-ce pas?
– Oui, monsieur.
– Combien gagnez-vous par jour, dans les maisons que vous fréquentez?
– Douze sous.
– Eh bien! si vous voulez en gagner trente, allez à Audierne. Vous verrez une maison blanche au coin de la place. Vous frapperez, vous demanderez la dame de la maison et vous lui direz que vous venez de ma part.
La jeune fille obéit. La dame de la maison la reçut d'abord assez mal.
– Je ne sais de qui vous voulez me parler. Je n'ai chargé personne de me chercher une couturière.
La jeune fille cependant tenait les yeux obstinément fixés sur une broche de jais que la dame portait au cou et dans laquelle était encadrée une miniature.
– Pardon, madame, dit-elle au bout d'un instant, vous avez au cou le portrait de la personne qui m'a envoyée ici.
– C'est impossible! Ce portrait est celui de mon fils. Voici dix ans qu'il est mort.
– C'est donc votre fils que j'ai rencontré. Je le jurerais par Jésus-Christ et par la Vierge!
La vieille dame se fit alors raconter l'aventure par le menu. La jeune fille ne céla rien, ni le bruit qu'elle avait ouï la veille dans les ajoncs, ni la messe qu'elle avait fait dire le matin même et au sortir de laquelle elle s'était croisée dans le cimetière avec le jeune homme vêtu de blanc.
La vieille dame comprit qu'elle lui devait la délivrance de son fils. Elle la garda désormais près d'elle et, en mourant, lui laissa tout son bien.